Et soudain, le silence !

SEPT

Un puissant sortilège dans l’église du Béguinage à Bruxelles ?

« Je n’y crois pas un seul instant », dit le bourgmestre de Bruxelles-ville. 



Je n’avais pas remarqué ses ailes...


Je fais un dernier petit signe de la main à Johan et à Rebecca. Le marché de la Place Sainte Catherine est plein de monde. Des parfums délicieux se mélangent, c’est agréable de s’y promener à pied. Un peu plus loin on croise d’autres parfums quai aux briques, comme si la mer était aux portes de Bruxelles. Des mouettes crient et cela renforce cette illusion, même les pierres racontent que cet endroit était un petit port auparavant. 


Une immense chien noir m’accompagne un bout de chemin, me prend-il pour son propriétaire ? Je m’engage sur le quai au Bois à Brûler. Soudain, le canidé aux longues oreilles levées me quitte juste à l’entrée de la rue des Peupliers. Un jeune homme lisant sur un banc relève la tête et me sourit, c’est comme s’il m’attendait pour prendre le relais du chien. Mais ensuite il se replonge dans son livre. Soudain j’ai un choc : je n’avais pas remarqué ses ailes ! Une femme achève de traverser devant de la rue, je la regarde le temps d’un instant et le jeune ange a disparu, le banc est vide. Quand j’entre dans la rue c’est comme si j’avais refermé une porte, un silence total m’enveloppe. On n’entend plus aucun bruit de la ville. Dans cette rue il n’y a pas âme qui vive. Et la place du Béguinage écrase de solitude un vieux clochard. Ce dernier, hagard, demande l’aumône à l’entrée de l’église. Je lui donne quelque-chose, alors il tente de me parler, il semble en avoir perdu l’habitude. Il me fixe droit dans les yeux d’un regard vert délavé, comme pour m’accrocher de peur que je ne parte avant qu’il ait fini de parler. 

-  Merci Monsieur… Je dois vous dire… Il y a quelque-chose de pas normal dans cette église, écoutez ! 

Je tends l’oreille et j’entends des bruits innombrables de battements d’ailes provenant de l’intérieur de l’église. 

-  En effet, c’est étrange. 

Effrayé, le clochard chuchote maintenant : 

-  C’est bien ce que je pensais, je ne suis pas fou ! Et dès qu’on entre dans l’édifice il n’y a plus aucun bruit ! Quel puissant sortilège ! Récemment deux fonctionnaires de la commune sont venus pour photographier la place. Alors que je leur racontais mon histoire, j’ai reconnu l’un d’eux : c’était le bourgmestre. Ils sont partis avant d’écouter la fin de ce que j’avais à dire, le bourgmestre semblait fâché, je l’entendis encore crier à son comparse: 

-  Je n’y crois pas un seul instant ! 

Le clochard se lamente maintenant : 

-  On vit une drôle d’époque, Monsieur, plus personne n’entre ici à part la vieille Amélie qui est sourde comme un pot. Mais moi je ne puis aller nulle part ailleurs… Me retrouver à la rue alors que j’ai travaillé toute ma vie comme cantonnier… 


Je lui mets une main sur l’épaule gauche. J’essaye de lui transmettre un peu de sérénité, un peu de force, un peu de tendresse. On n’a plus besoin de paroles. Ce sont nos yeux qui parlent. Les miens lui disent qu’il est homme, ils lui disent l’admiration que j’ai pour son travail passé d’ouvrier. La cité tient par le travail des hommes, combien de temps encore ? 

Alors j’entre dans l’église du Béguinage…



église du Beguinage
Alors j’entre dans l’église du Béguinage…



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