16.04. Le Maître et Inge

Début de l'histoire...


PREMIER LIVRE

La genèse de l'Enfant-soleil


Sven


Quand ma gouvernante est là elle me passe tout. Elle remplace ma mère, Inge, qui m'a abandonné aux mains de la communauté aussitôt né. C'était une communauté hippie qui s'appelait Jardins du Verseau. Il faut dire que mes parents étaient un peu jeunes quand ils m'ont conçu, ma mère avait à peine quinze ans et mon père seize. Je parle de communauté mais en fait c'était une secte qui habitait une magnifique ferme en pleine nature. Cette secte était un dévoiement de la belle idée d'un Age Nouveau. Mes parents étaient tous deux des êtres splendides. Du moins physiquement. Alors le Maître de la secte décida de les marier en une merveilleuse fête païenne, bien qu'ils ne se connaissaient qu'à peine. L'enfant de leur union serait le tout premier enfant du Verseau, le prophète du Nouvel-Âge, l'Enfant-soleil.



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Une merveilleuse fête païenne...


Mais sous sa beauté ensorcelante de sirène ma mère cachait un cœur de glace. Le mariage fut un fiasco, il prit l'eau plus vite que le Titanic. Je n'ai que deux photos de ma mère: la première prise lors de son mariage, c'est une magnifique créature du nord avec des cheveux presque blancs à force d'être blonds, une bouche fine et des yeux d'un bleu iceberg à vous glacer le sang. Et la seconde prise plus tard, quand ma mère fut totalement sous l'emprise de la drogue et du Maître.  Mon père et ma mère ne durent pas éprouver beaucoup de plaisir pour se séparer aussi facilement... Mon père reprit sa quête spirituelle et partit au Népal. Heureusement une procédure d'adoption fut mise en marche par mon oncle. Mon père mourut quelques mois après sa fuite au Népal dans des circonstances très mystérieuses. Lui aussi m'avait abandonné. 


Aussitôt après la mort de mon père, ma mère entra dans le harem de Björn, le Maître. C'était la règle, toutes les plus belles jeunes veuves devaient y entrer. Le Maître était censé les protéger. En réalité il les droguait pour les rendre plus dociles. Elles devenaient ses choses. L'homme reste aimable tant qu'il ne se regroupe pas. Pour ma mère je n'avais jamais été qu'une fâcheuse excroissance, un horrible furoncle, dont il fallait se débarrasser au plus vite. Aussitôt né elle ne s'occupa plus de moi. 


Pour éviter que je ne sois élevé en communauté, mon oncle vint m'arracher aux mains du Maître, papiers d'adoption en mains. J'avais quatre ans. Björn piqua une terrible colère, on lui arrachait son plus bel enfant, son Enfant-soleil. En seulement quatre ans j'avais acquis une incroyable beauté, qui ne laissait personne indifférent à part ma mère. Pourtant je dois cette beauté à mes parents. Je leur dois un visage très régulier dont on n'oublie pas l'harmonie, des yeux rieurs et chauds couleur noisette, un fin nez, une bouche charnue et parfaitement dessinée, et une très abondante chevelure légèrement bouclée couleur or pâle. C'est ainsi que je partis loin du Danskmark et des influences néfastes du Maître. Ma mère avait signé les papiers et mourut un mois plus tard. En quatre ans elle en avait vieilli de soixante, la drogue qu'elle prenait accélérait vertigineusement son vieillissement.



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En quatre ans ma mère avait vieilli de soixante ans.



En grandissant je finis par lire le désir brutal et animal que je suscitais chez les autres. Était-ce parce-que j'avais été l'Enfant-soleil? Ce nom et mon statut dans la communauté furent parmi mes rares souvenirs de cette époque, le reste me vint de ce que mon oncle me raconta. À quatre ans je devais m’asseoir sur un siège richement décoré rempli de coussins chamarrés en haut d'une estrade et je recevais des offrandes de nourriture et de fleurs. J'étais entièrement nu, seulement habillé de bijoux en or et de colliers de fleurs. Je devais manger et boire en premier, tous les autres attendaient que j'aie fini avant de commencer. Ils mangeaient ce que je n'avais pas mangé.



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J'étais l'Enfant-soleil...


Vers mes treize ans le désir des autres a commencé à me faire très peur car j'ignorais comment certaines choses fonctionnaient. C'était comme si le prix de ma peau ne cessait d'augmenter. J'étais devenu une denrée très rare. J'étais déjà adolescent et pourtant encore totalement vierge. Je ne comprenais pas pourquoi mon lingam devenait si souvent dur et encombrant, et pourquoi ce phénomène accompagnant mon visage d'ange pouvait susciter de tels regards et de telles passions. Heureusement mon oncle m'avait fait apprendre l'art de l'auto-défense, et cela me rassurait un peu.


En attendant le regard des inconnus me blessa de plus en plus, et je décidai de ne plus jamais les regarder droit dans les yeux, et de ne plus jamais leur sourire. Je conclus qu'il était dangereux pour moi de m'intéresser aux autres. En me faisant raconter l'histoire de ma mère je décidai que moi je ne serais la chose de personne, jamais! Je fis des cauchemars où je me retrouvais emprisonné et drogué. La beauté est une chose terrible, elle suscite les pires convoitises. À cause d'elle on risque de se retrouver enlevé et vendu par des prédateurs, enfermé à moitié fou, pleurant de souffrance, tout nu à quatre pattes dans un salon luxueux, sa fleur offerte à n'importe qui et prêt à faire n'importe quoi pour avoir sa dose. La beauté est un don vénéneux. Je ne suivrai jamais le chemin d'Inge. Jamais je ne me laisserai droguer, jamais je ne toucherai à ces saletés. J'ignorais qu'en baissant les yeux mon geste serait pris comme une preuve de modestie rendant ma beauté encore plus attirante... À l'été de mes quatorze ans mon oncle m'envoya en Toscane.


À l'été de mes quatorze ans mon oncle m'envoya en Toscane.
(Image composite, voir lexique)





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