16.07. L'Ancien

Début de l'histoire...


Il leoncino



Timidement je frappai à la porte du bureau de l'Ancien. C'était à l'heure exacte de ma convocation.

 - Entre Sven, je t'attendais. Assieds-toi. J'apprécie ta ponctualité toute danskoise. J'ai demandé que personne ne nous dérange. Tout ce qui sera dit dans cette pièce n'en sortira pas.


Le directeur avait l'air préoccupé, et sa voix était sévère. En même temps il me regarda avec beaucoup de tendresse, et cela me rassura un peu.

 - Ce n'est pas mon habitude de divulguer ses points à un élève. D'autant plus que ce ne sont pas encore les points définitifs, tout sera fixé lors de la délibération finale. Le jury t'a donné 99%, ce qui ne s'est jamais vu depuis les cinq siècles que l'école existe. Qu'est-ce que tu en penses? 

 - Maître, c'est injustifié!

 - Ah bon, et combien crois-tu mériter?

 - Tout au plus 75 % Maître, comment pourrais-je rivaliser avec les plus grands génies? Seul Michelangelo aurait mérité une telle cotation, même du temps où il était élève!

Alors l'Ancien soupira de soulagement, et sa voix devint bien plus chaude. Il rit, comme à l'évocation d'une farce.

 - Tu sais que tu as été cause de désordres et de dissensions dans l'école? Mais enfin, Sven, qu'est-ce qui t'a pris d’envoûter un jury entier? Ta beauté ne suffisait-elle pas? N'était-elle pas déjà une pierre d'achoppement suffisante mettant en péril l'objectivité du jury? Sans parler de ta trop grande jeunesse qui pousse à l'indulgence et fausse un jugement qui doit être parfaitement équitable?


Les larmes se mirent à couler sur mes joues, silencieuses. Je ne reniflais pas, je les laissais juste couler, de plus en plus nombreuses. Mes joues se trempèrent. J'étais à bout de fatigue et d'angoisse. Était-ce de ma faute, ma beauté? Et pourquoi les oiseaux que j'avais peints échappaient-ils à toute conduite raisonnable? Pourquoi ne restaient-ils pas sages et immobiles comme des images? J'étais aux toilettes quand ils se mirent à bouger, ont-ils profité de mon absence pour échapper à mon contrôle? 


 - Excuse-moi, Sven, j'ai été injuste! Je ne voulais en aucun cas te blesser... Pardonne-moi. Jeune on n'est pas responsable de sa beauté, ce n'est que plus âgé qu'on en est responsable, car à ce moment la beauté est celle de l'âme qui transparaît. Et peut-on reprocher à quelqu'un d'avoir une belle âme? Ton âme est superbe, Sven. Sven, je ne te parle pas des oiseaux que certains ont prétendus voir bouger. Sottises! J'ai fait mon enquête, tu n'étais pas là donc on ne peut même pas parler d'hypnose collective et j'ai aussitôt fait taire cette rumeur absurde. Je ne t'accuse pas de tricherie. Mais cette statue en trompe-l’œil, était-ce vraiment nécessaire?

 - Non Maître, je crois que j'ai été léger et arrogant sur ce coup-là. D'ailleurs cela ne prouve rien et cela ne mérite pas tant de points. Cela montre juste ma virtuosité technique et rien d'autre. Il en faut beaucoup plus pour être un véritable artiste, et d'abord atteindre la beauté comme Sandro Botticelli ou Michelangelo l'ont fait. Ce n'est ni le sujet ni la technique qui comptent, mais la manière dont on traite le sujet. Toute peinture est magique par essence, et les images commandent aux choses pour peu qu'il s'y glisse un reflet de la beauté. C'est la beauté qui les rend vivantes jusque dans notre esprit, et c'est elle qui fait perdurer le charme de l'image jusque dans nos souvenirs les plus durables. Quand elle est présente on ne l'oublie plus, on en garde la souvenance d'une fragrance tenace mais délicieuse.

 - Sven, là c'est toi qui te juges trop durement. Ce que tu fais dénote de beaucoup de virtuosité et d'une technique parfaitement maîtrisée, mais en plus c'est magnifique! C'est la beauté de tes oiseaux qui les a rendus vivants, c'est la beauté de ton Dionysos qui est envoûtante. Les deux membres du jury que j'estime le plus ne se sont pas laissés berner par ta virtuosité, ils sont restés songeurs devant la splendeur incroyable du dieu que tu as peint. C'est pour cela que tu mérites bien plus que le second de classe qui atteint 78%. Tu acceptes qu'on baisse ta côte à 90% avec bien entendu les félicitations du jury? C'est la personnalité et la beauté de ton travail qui méritent cette côte, et tes talents de persuasion n'y seront plus pour rien.

 - Merci infiniment, Maître! Pour moi c'est trop, mais je m'en remets à votre jugement. Vous me rendez un très grand service en baissant ma côte. 

L'Ancien eut un sourire jusqu'aux oreilles, et je vis soudain briller dans ses yeux cet éclat d'admiration que je connaissais déjà si bien chez les autres et qui me mettait souvent mal à l'aise. Mais ici son admiration me fit un bien immense, il fut comme un baume à ma tristesse. Les larmes se tarirent, ma peur s'évanouit et je lui fis un grand sourire. Il avait tout deviné, pesé, jaugé. Il me préserverait de la jalousie des autres, il me protégerait d'une renommée trop dangereuse pour mon âge, et il comprit que j'avais compris tout cela. Moi aussi je l'admirais, plus que jamais! 

 - Bien! Notre problème principal est réglé. Il y a d'autres choses dont je dois te parler. L'année prochaine je t'enlèverai des griffes d'Enzo. Il n'a pas été correct avec toi. Il ne sera plus ton capo, vous serez définitivement divisés en trois équipes autonomes. Vous serez beaucoup moins, il y a eu un sévère dégraissage. Tu prendras la tête de l'une d'elles et Fabio sera ton second. Je n'ai pas besoin de te dire toute la dévotion qu'il a pour toi. Et tu as une bonne influence sur lui. Il y a aussi cette histoire de modèles. Tu as aimé poser comme modèle? J'ai parfois l'impression qu'on t'a forcé... Je ne puis tolérer  cela, c'est comme un viol! Est-ce Enzo qui t'a obligé à le faire?

Je rougis. Maintenant que je ne dépendais plus du bon vouloir d'Enzo, je ne voulais pas lui causer de tort. Oui c'est lui qui avança l'idée que cela soit moi en priorité qui doive poser en cas d'absence des modèles rétribués par l'école. Fabio et moi on était les plus beaux garçons de la classe, pourtant c'était le plus souvent moi qui était désigné. Enzo avait aussi la complicité de mon prof de dessin que je ne voulais pas mettre en difficulté. Et jusque-là cela ne me dérangeait pas, j'en avais l'habitude. Mais mon lingam me trahissait de plus en plus souvent, il se mettait à grossir en pleine séance. Fabio veillait sur moi et disposait aussitôt une draperie autour de mon bas-ventre, le temps que cela se calme. Mais un jour Enzo me joua un très vilain tour. En fin de séance il prit le drap, prétextant qu'on en avait besoin dans l'autre salle. La cloche sonna, et je dus traverser toute la salle pour rejoindre la cabine pour m'habiller. Mon lingam était devenu incroyablement long et encombrant, il avait déjà pris une position horizontale et montait petit à petit. Il était devenu vraiment disproportionné par rapport à ma taille, un vrai sexe d'âne. En marchant il se balançait comme une trompe d'éléphant devenue raide. Gêné je vis le regard troublé de certains qui ne quittaient plus mon bas-ventre et je dus subir quelques sifflements d'admiration. Cela accrut ma célébrité, mais je détestais ce genre de notoriété. Je dus repousser des avances pressantes d'élèves des autres équipes pendant plusieurs semaines. Ils me complimentaient et me sifflaient comme si j'étais une fille. Combien de fois n'ai-je pas eu l'impression d'être comme une marchandise à leurs yeux. Je plains les filles.

Un soir à l'internat il y eut un élève d'une autre équipe qui me coinça dans un coin sombre de l'escalier pour me peloter avidement les fesses. Il était beaucoup plus âgé et plus fort que moi, et soufflait comme un bœuf. Je fus d'abord passif, tétanisé par la peur. Il finit par onduler contre moi en me léchant le cou puis en me mordillant l'oreille. C'était comme s'il voulait me dévorer. En maintenant mon bras tordu pour m'immobiliser il me fit de plus en plus mal. Quand il lâcha mon bras pour défaire ma ceinture je me réveillai de ma torpeur et me débattit en criant. Nous fûmes tous deux étonnés par la force avec laquelle je me libérai de lui. Alors il eut un sourire cruel et me dit:

 - Ne crois pas m'échapper, que tu le veuilles ou non tu vas passer à la casserole! Ton petit cul bien rond est beaucoup trop mignon. De toute façon ils sont tous sortis. Détache toi-même ta ceinture, sinon tu vas prendre la raclée de ta vie. Si tu ouvres ta ceinture et te déculottes je ferai attention à ne pas te faire trop mal. Au plus vite tu te laisseras faire, au plus courte sera ta souffrance.

C'était sans compter mes cours d'autodéfense que je mis pour la première fois concrètement en pratique. Il essaya de me reprendre et chaque fois il se retrouva à terre. Il devint enragé à cause de cette proie qui lui échappait. Au début je voulais juste l'empêcher de me toucher, mais je finis par lui porter des coups plus douloureux dont un très violent au genou, une peur viscérale me tordant les tripes. Je hurlai de terreur, appelant au secours. Je ne me voyais pas combattre toute la nuit. Par chance Fabio était resté m'attendre en bas. Aussitôt alerté par mes cris qui s'étranglaient de panique il remonta à toute vitesse. L'autre, étonné par cette aide inattendue, resta enfin tranquille. Il se contenta de m'injurier, me disant que je n'étais qu'un petit allumeur et que séduire était ma seule façon d'exister. Dans les internats de garçons on devait toujours régler nos problèmes nous-mêmes. Fabio regarda l'autre droit dans les yeux, et dit horrifié:

 - Ce que tu as fait est gravissime. Veux-tu que je raconte à ton équipe ce que tu as fait? Nos deux témoignages contre le tien! Tu as vu dans quel état tu as mis Sven? Il saigne du nez et tu l'as griffé au visage.

L'autre blêmit, et ce n'est qu'à ce moment qu'on se rendit tous les deux compte que j'avais mis du sang partout. Fabio reprit:

 - Vingt-quatre heures. Je te donne vingt-quatre heures pour quitter définitivement l'école, pas une minute de plus. Sinon tu sais ce qui t'attend. Ne t'en fais pas, je vais garder des preuves contre toi.

On laissa les tâches de sang, l'autre voulut se baisser pour les effacer avec son mouchoir mais poussa un cri de douleur: il ne savait plus plier son genou. En descendant je fus pris de nausées et vomit tout mon repas du soir. Fabio m'emmena à l'infirmerie. Quand l'infirmière nous demanda ce qui s'était passé on prétexta une chute. Recroquevillé de détresse je sanglotais sans plus pouvoir m'arrêter ni reprendre ma respiration. Plus tard dans la nuit Fabio vint prendre des photos du lieu de l'agression, et ce n'est qu'après que toute mon équipe effaça soigneusement les traces de lutte et mon vomi. On ne dit rien aux profs, comme l'usage le voulait. Et il était hors de question de dénoncer un élève hors des murs de l'établissement. Il y a ainsi des silences qui durent toute une vie. L'autre avait disparu. On ne le vit plus à l'école, comme Fabio le lui avait vivement suggéré.

Plusieurs fois l'un ou l'autre garçon venait me reluquer en se touchant discrètement quand on faisait du sport. Quand ils le faisaient à deux ou trois ensemble en me regardant cela me flanquait la panique. J'avais toujours peur qu'ils m'attendent à un coin de rue. Une autre fois un condisciple me supplia de pouvoir revoir mon lingam dressé. Il me proposa même une forte somme. Son visage était déformé par l'envie. Il était à genoux devant moi et avait perdu toute fierté. C'était pourtant le fils d'une très bonne famille, et il était fiancé. Je ne pus plus jamais le regarder droit dans les yeux. Le désir de ceux que je ne connais pas me terrorise. Je ne me sentais en sécurité que dans ma propre équipe. Ma nudité me désarmait et m’inquiétait. J’étais nu et eux habillés, comme au plus loin de mes souvenirs d’enfance, lorsque j’étais dans la secte. Là je mangeais entièrement nu sur un podium, alors que les autres étaient le plus souvent vêtus. Il y avait ce perpétuel cycle où j’étais habillé et puis dévêtu, découvert et puis recouvert. Tout était prétexte pour répéter ce cérémonial plusieurs fois par jour, dès mon lever jusqu’à mon coucher. J’étais l’avatar d’un dieu qu’ils vénéraient, j’étais sa statue vivante. Mais en même temps j’avais l’impression d’être comme une poupée dans leurs mains. Il y avait de la souffrance à être ainsi exposé à la lumière. Tous ces souvenirs me revinrent en un éclair. Est-ce Enzo qui t'a obligé à le faire? J'éludai la question de l'Ancien. C'était l'avenir qu'il fallait voir. Tout était fini maintenant. Je devais rester muet comme une tombe et tourner la page. C'était ainsi que cela se faisait, celui qui parlait était considéré comme un traître et tout le monde se détournait de lui.

 - J'aime poser comme modèle, mais cela dépend pour qui! Serait-ce possible de ne plus devoir poser que pour ceux de mon équipe? Eux je les connais et ils me respectent. 

- Sven, tu peux aussi refuser! Tu as utilisé le mot 'devoir'? Cela veut donc bien dire qu'on ne t'a pas laissé le choix? Cela veut dire qu'on a manqué de respect envers toi?

- J'aimerais ne plus poser que pour ceux de mon équipe... 

- Je respecte ton silence, et je prendrai toute disposition pour qu'il en soit ainsi. Va maintenant, tu as bien mérité des vraies vacances. Je t'interdis de même seulement entrer dans l'école après la proclamation des résultats! Et cela jusqu'à la rentrée. Tu as deux mois et demi de liberté. Profites-en! J'entérine ton surnom que tes condisciples t'ont donné hier soir, leoncino. Désormais tu seras même pour moi 'il leoncino'.


Heureux et serein, je m'inclinai devant l'Ancien et m'apprêtai à le quitter. J'étais très ému d'avoir reçu ce surnom, non seulement j'avais été un lionceau dans mes études mais je m'étais courageusement défendu contre mon agresseur jusqu'à l'arrivée de Fabio. L'Ancien interrompit mon élan, comme s'il voulait encore un bref instant faire durer la magie de notre entretien:

- Leoncino...

- Oui Maître?

- Tu es vraiment très courageux... Va maintenant, va...



Florence, porte de bronze, baptistère,
Fabio devint comme un ange gardien pour moi...


Il y avait comme une soudaine trace de regret et de lassitude dans sa voix. J'avais l'impression qu'il m'avait entièrement percé à jour, qu'il avait lu en moi comme dans un livre ouvert, et qu'il savait tout.



Ce n'est que dehors que j'éclatai à nouveau en sanglots, j'avais dû endurer trop de choses cette année et le souvenir de l'agression m'était revenu comme une gifle violente. Trop douloureux je l'avais enfui dans l'oubli. Heureusement mon second était là, fidèle, et très inquiet pour moi. Je tremblais de tous mes membres, était-ce la peur rétrospective ou l'humidité provenant de l'Arno?

- Ça va?

- Oui, t'inquiètes, j'ai eu terriblement peur mais tout s'est très bien passé. Simplement pleurer est ma seule manière de faire baisser la pression. Je crois qu'ils vont saquer les deux tiers de notre classe.

On s'assit sur un banc et Fabio m'enlaça l'épaule tout en me passant des mouchoirs et en me disant des mots gentils dans son italien chantant.

- Je peux t'accompagner jusqu'à  la villa des Salvati? Je te servirai de garde du corps. Et je t'accompagnerai à chacun de tes déplacements. Je ne te demande pas de venir loger à la villa, je crois  que je n'y serais pas accepté. Ma famille est pauvre et je dois aider mon père. De toute façon dans la villa tu seras en sécurité. La réputation de Circé sort des frontières de la Toscane. Elle est la vraie gardienne du lieu. Mais à chaque fois que tu te déplaceras fais appel à moi. Raconte à Circé ce que tu as vécu, c'est important de pouvoir parler. Parler libère. Elle sera muette. Maintenant on est sorti d'affaire, tu verras, on réussira tous les deux nos études. Dans quelques semaines je viendrai te chercher pour que tu puisses visiter ma famille, ils désirent très fort te voir. Mais cet été on doit rester prudents. Après tout ira bien.

- Je te dois une fière chandelle! Sans toi je ne sais pas ce que je serais devenu. Je crois que je serais devenu fou ou que je me serais suicidé!

- C'est un juste retour. Et moi, sans toi, que crois-tu que je serais devenu? Je t'ai pris pour exemple, je me suis accroché en mettant mes pas dans les tiens. Chaque fois que j'étais tenté d'abandonner tu étais là pour m'encourager. Tu te souviens quand on a du monter les échafaudages à la Villa Strozzi?

Je ris dans mes larmes. Il m'embrassa sur la joue. Sa présence me calmait et me réconfortait.

- On dirait un vrai arc-en-ciel, ma parole! Sans toi je serais devenu cireur de chaussures chez Antonio, voilà toute l'affaire! Je t'aime, Sven, rassure-toi, de la façon comme il faut. Jamais je ne te ferai du tort, je préférerais mourir.



Fabio ne me dit rien d'autre mais lui et moi on pensait à la même chose: et si l'autre profitait des vacances pour m'agresser  à nouveau? Pourquoi est-ce à celui qui a été agressé que sont dévolus les angoisses et les terreurs, et à l'agresseur les nuits tranquilles? J'acceptai sa protection. Fabio devint comme un ange gardien pour moi. Fabio s'agenouilla devant moi et relaça une de mes chaussures. Puis il m'embrassa sur l'autre joue 'pour ne pas faire de jaloux'. J'eus un intense sentiment de gratitude pour lui, qui balaya toutes mes angoisses. On se leva du banc, il enlaça à nouveau mon épaule et c'est ainsi qu'on rejoignit le soleil à l'extérieur. Sa main était douce et chaude sur mon épaule, la caresse du soleil était chaude sur mon visage, et la lumière nous inonda tous les deux...









Commentaires

  1. L'arbre au-dessus du blason, c'est l'éden de la villa des Salvati?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout à fait! Il correspond au jardin intérieur de la Maison des enfants perdus en Guelbie, qui est un autre éden. Ainsi tu remarqueras que les maisons se répètent en deux lieux différents... Bisous à mon Andrea préféré.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés