16.08. Les fruits et la paix

Début de l'histoire...


Baptistère, Saint Jean, Florence,
On passa dire bonjour au Baptistère Saint-Jean...


La proclamation des résultats fut la consécration de nos efforts. Il n'y eut que deux membres de mon équipe recalée. Selon l'usage de l'école un grand panneau était affiché entre deux colonnes ornées de guirlandes portant des fruits. 

Quand j'arrivai parmi mon équipe je vis l'admiration dans leurs yeux, et je l'acceptai.  Ils s'étaient donné le mot, et m'appelèrent tous leoncino. Mon étonnement fut plus grand quand je découvris que ceux des autres équipes m'appelaient aussi ainsi. Devant le panneau ils me couronnèrent de lierre, c'était la seule chose qu'ils avaient trouvé dans le jardin, et ils me portèrent en triomphe. J'avais mes nonante pour-cent et les félicitations du jury. Mon équipe était en tête. Par contre dans les autres équipes ce fut un vrai massacre. On serait beaucoup moins en dernière année. Et combien serions-nous durant l'année de stage?

L'Ancien avait fait un petit speech en soulignant la nécessité d'unir nos forces, et en parlant des liens puissants qui nous unissaient tous. On était tous responsables des autres et en particulier de nos proches et de ceux de notre équipe. Il insista particulièrement sur ce dernier point. Après on mit des grands panneaux sur des tréteaux, et on reçut des boissons, du pain beurré, des fruits secs, du raisin et d'autres fruits encore. On eut même droit à un verre de vin par élève. C'était un vin blanc doux et fruité. Les tables étaient garnies de lierre, de pampres de vigne et de pommes de pin. Ensuite on s'égailla dans la ville pour rentrer chez nous. Au moment de quitter le jardin fleuri avec mon sac à dos, accompagné de Fabio tout aussi chargé, j'entendis une voix derrière moi:

 - Leoncino! Leoncino!

Étonné on se retourna, Fabio et moi. C'était Enzo. Il avait perdu son arrogance. Son regard était jovial et joyeux.

 - Je dois absolument te parler!

Fabio s'éloigna de nous et m'attendit au porche de sortie.

 - Je voudrais te demander pardon. J'ai très mal agi envers toi, et je t'ai mis en grand danger. Comment réparer ce que j'ai fait? 

J'eus très difficile, et avalai ma salive. Toute la colère du souvenir de l'agression me revint un bref instant. C'était lui qui m'avait exposé inutilement devant les autres, il était indirectement responsable de ce qui m'était arrivé, sans compter qu'il avait mis mes études en péril. Puis je vis au loin le visage confiant et souriant de Fabio. Aussitôt une bouffée de reconnaissance revint, et je respirai profondément. 

 - Je te pardonne. Tu veux réparer ce que tu as fait? Tu peux toujours faire attention à ne plus jamais infliger à un autre ce que tu m'as fait. Et respecte les familles pauvres. C'est elles qui produisent notre pain et les fruits de la terre. Me concernant, je me débrouillerai bien tout seul, je n'ai pas besoin de toi.

 - S'il te plaît, faisons la paix?

 - Ce n'est pas moi qui ai déterré la hache de guerre! Mais d'accord, faisons la paix. C'est pour le bien de tous, et d'abord le tien et le mien. Recommençons nos relations sur de nouvelles bases.

Je lui tendis la main et lui la sienne. Je sentis beaucoup de chaleur dans sa poignée de main, et aussi dans son regard changé du tout au tout. 

 - Tu dois savoir que j'ai reçu un terrible savon de l'Ancien. Il m'a raconté que tu n'avais pas dit un seul mot contre moi et que c'est à cela que je dois de pouvoir rester dans l'école. Je n'oublierai pas la leçon. Désormais je te suis redevable.

 - Tu ne me dois rien. On a fait la paix, c'est tout ce qui compte. Passe de belles vacances!

 - Euh... cet été je dois quand-même aider des ouvriers pour préparer les murs de la chapelle San Antonio. Je ferai les travaux les plus sales et les plus ingrats. C'était l'autre condition pour rester à l'école. Écoute, ceux qui sont tes amis ont vraiment de la chance, j'étais juste jaloux. Je tiens vraiment à rester à l'école, elle est toute ma vie.

 - Tu verras, je suis sûr qu'on fera de belles choses. Salve, porte toi bien!

 - Salve Leoncino!



Baptistère, Saint Jean, Florence,
Détail d'une porte du Baptistère Saint-Jean à Florence.



Alors pour la première fois je lui fis un grand sourire et j'allai rejoindre Fabio. J'étais délivré d'un immense poids, j'avais pardonné. Fabio et moi on traversa l'Arno car l'école était située dans l'Oltrarno. On passa dire bonjour au Baptistère Saint-Jean pour y admirer ses mosaïques et ses portes. Puis on se dirigea vers la gare. Malgré mon sac à dos lourdement chargé j'avais une impression de légèreté, c'est comme si j'avais des ailes.






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