16.16. Première métamorphose

Début de l'histoire...


Métamorphose. L'éveil à la vie. Photo © Eric Itschert

Circé


J'ai fait dresser la table. Alors que Sven est allé chercher une chemise, Morgane, épanouie et détendue, me raconte avec chaleur:

- Tu l'as merveilleusement préparé! C'est un amant génial. Je ne veux plus d'autres que lui. Je veux lui. Lui seul.

Je ris. 

- Tu oublies qu'un autre garçon doit encore se joindre à vous.
- Je l'accepterai si Sven en a envie, mais moi c'est Sven que j'aime. Je n'ai pas besoin d'un autre garçon. Sven me rend folle. Il m'a fait crier. Jamais je n'ai crié auparavant. Il est revenu à la charge la plus grosse partie de la nuit. Cela valait la peine d'attendre cet été, il est devenu un merveilleux faune insatiable. Quelle sensualité, à grimper au mur! Et puis quelle tendresse, mon Dieu quelle tendresse...

Morgane éclate en sanglots, l'émotion la submerge, la fatigue la rend fragile.

- Circé, qu'est-ce qu'on va devenir? Je l'ai dans la peau, je ne peux plus m'en passer, il est tellement attentionné. En septembre je dois retourner en Guelbie!
- Pour le moment, abreuvez-vous l'un de l'autre, sans limites. Rassure-toi, j'ai pensé à la rentrée des classes. Je t'ai prévu un petit cadeau pour fêter tout le bonheur que tu donnes à Sven. Il est métamorphosé! Deux fois par mois tu rentreras en train. En prenant l'Evening Star à Brücelles le vendredi soir, tu seras à Florence le samedi matin. C'est un train couchettes, je te réserverai un compartiment en première classe, avec coin douche et sanitaire privé. Tu prendras ton repas du soir sur le train. Tu verras, ce sont des wagons magnifiques! Tu devras juste apprendre à dormir en train. On s'y fait vite. Lui, on le fera venir ici dés le vendredi soir, avant ton arrivée. Je veillerai sur lui... pour autant qu'il se laisse faire! Tu as vu, il commence à se rebeller contre mon autorité, il est trop mignon. Cette habitude qu'il a de prendre le train local, contre mon avis, sans faire appel à notre voiture...

Morgane passe des pleurs aux rires et se jette dans mes bras.

- Merci Circé! Je t'adore! Qu'est-ce qu'il a boudé quand tu lui as demandé de faire une sieste! Il est beau quand il est en colère.
- Il boudait encore dans son sommeil, quand j'ai été le voir. C'est bien, je n'ai jamais douté qu'il avait du caractère...

Je caresse la joue de Morgane, l'embrasse tendrement. Elle est détendue comme une liane, elle rayonne d'amour. Sven pointe son nez, aussitôt Morgane va se coller contre lui, frottant son nez dans son cou. Je ris, ils sont encore plus craquants ensemble.

- Mes deux blondinets adorés?

Ils tournent leur visage vers moi:

- Oui?

La beauté de leur visage me touche, une incroyable ressemblance aussi. On dirait des jumeaux, même leur taille est la même. Ils ont tous les deux un coté très androgyne, ce qui fait qu'ils se ressemblent encore plus. Chacun augmente la lumière de l'autre, leur rayonnement solaire m'embrase, je ne vois plus qu'eux, je suis amoureuse d'eux, en bloc et isolés. Ils sont absolument superbes. Avec amusement je remarque la seule petite ombre à la perfection de leur visage: leurs cernes. 

- Il est temps de refaire vos forces maintenant. Asseyez-vous et mangez, sinon vous ne tiendrez jamais le coup! Et pensez quand-même à dormir de temps en temps.

Je reçois un merveilleux sourire du couple, ils ont les mêmes dents blanches irréelles.


Morgane


L'après-midi on retourne à la piscine. Les essuies ont été changés, de nouveaux fruits garnissent les corbeilles. Je suis heureuse qu'on ne change nos draps que tous les deux jours. Je vais voluptueusement sentir nos odeurs, la tête dans les coussins et le bassin relevé. C'est dans cette position que Sven me trouve, et il en profite toutes affaires cessantes pour tenir sa promesse. J'ai beau savoir désormais ce qui m'attend quand Sven me prend, je suis chaque fois étonnée  par la puissance de ce qui me submerge entièrement. Quand je comprends qu'il va donner un second assaut je me reprends à pleurer de reconnaissance, je dois avoir les nerfs à vif. L'extase arrive très vite et n'arrête plus, c'est à mourir de bonheur. Ensuite la chaleur nous terrasse, on fait une longue sieste. On ne se quitte plus d'une semelle, on fait tout ensemble, même les choses les plus intimes. J'adore aussi ces moments-là, après ceux du sommeil c'est là où Sven semble le plus fragile. Il me regarde inquiet, il sent que cela m'émeut et me laisse le regarder un peu gêné. Il a le même regard inquiet lorsque je lui demande un matin de s'occuper de lui en solitaire. Il apprend ainsi à m'accepter, à admettre mes goûts parfois bien différents des siens. Et moi j'apprends à quel point son amour pour moi est fort, il ne me juge jamais et ne refuse aucune de mes lubies. Tout au plus me regarde-t-il parfois avec amusement.

- Et moi qui croyais que tu étais un ange!
- Attends un peu! Tu vas voir de quel bois je me chauffe! Tu voudrais vraiment que je devienne un ange?

Sven rit:
- Non non, je retire tout ce que j'ai dit, tu m'apprends plein de choses! Je ne veux surtout pas que tu changes, je t'adore comme tu es!
- En attendant laisse-moi encore t'admirer. Et ne va pas trop vite. Attends, montre-toi mieux... Préviens-moi quand tu sens que ça vient.

Sven finit par lâcher sa semence en gémissant. J'adore le voir ainsi. Les jets sont impressionnants. J'adore sentir l'odeur de sa semence: elle me rappelle cette odeur douce, forte et entêtante des châtaigniers au printemps. Je veux sentir cette odeur, non mélangée à la mienne, sur ma main et quand la source jaillit je recueille une part du lait, le renifle voluptueusement et le lape comme un chat...

Ainsi la première semaine on passe notre temps à faire l'amour, on se gave l'un de l'autre, on essaye toutes les choses dont on avait rêvé, et notre imagination est sans limites. On rit et joue comme des gosses, on nage quand on a trop chaud, on fait des concours de poiriers ou de plongeons, on dort à n'importe quelle heure, la cloche et le repas de midi sont devenus nos seuls repères. La chaleur nous permet de vivre entièrement nus au bord de la piscine, jour et nuit. Ce n'est que pour aller manger le midi qu'on remet des vêtements légers, et on sent cela comme un carcan. Comme Circé me l'a conseillé, la plupart du temps je laisse à Sven l'avantage de l'initiative, j'obéis au moindre de ses désirs, c'est lui qui décide et qui nous dirige. Cela ne me coûte aucun effort, j'adore sa tyrannie si douce et si prévenante...

Le temps vole quand on est au paradis. Il est dit qu'au royaume des elfes une seule journée vaut cent ans dans le monde des hommes: je comprends enfin pourquoi. Au début de la seconde semaine mon charmant faune commence à ralentir la cadence. Oui la deuxième semaine de liberté totale est déjà là. Circé me permet enfin de lâcher la bride à mes propres initiatives afin de trouver le bon équilibre dans notre tout nouveau couple. Circé a prévu trois activités sur la semaine, afin de permettre à Sven de refaire un peu de ses forces. On part le matin, après un petit-déjeuner obligatoire. En échange le midi au déjeuner on a l'autorisation de venir entièrement nus. Sven est pacifié, il n'est plus à l'état permanent de faune. On ne se lave plus avant de manger, on sent le chlore et l'amour. C'est durant cette deuxième semaine que commence l'apprentissage le plus dur pour moi: maintenant que le tabou est levé, je dois refréner mes envies devenues dévorantes, je ne dois pas trop fatiguer mon amant à force de sans cesse le titiller et de le solliciter. On fait durer les choses plus longtemps. La nature est bien faite: Sven épargne de lui-même ses forces. Parfois il triche: il me donne ce que je veux mais saute une extase. Je lui suis infiniment reconnaissante: il pense d'abord à moi, puis seulement à lui. Il se rend compte qu'il doit s'épargner pour mieux m'aimer. En même temps une alarme résonne en moi, et je m'oblige à attendre qu'il reprenne l'initiative. Car je ne conçois l'extase que partagée, et je lui en fais la remarque. Il s'étonne:

- Les filles peuvent faire semblant, et pas nous? C'est trop injuste!

Je ris:

- Jamais je ne ferai semblant avec toi, ce n'est vraiment pas nécessaire! Au contraire, parfois j'ai honte de perdre ainsi les pédales.

- Tu ne dois pas avoir honte! C'est comme cela que je te préfère, quand tu perds tous tes moyens.



À la fin de la deuxième semaine toutes les astuces sont bonnes pour réveiller le désir du garçon épuisé: ainsi quand on est unis, un doigt dans sa fleur raffermit son lingam. Petit à petit on apprend ce nouvel équilibre, où je dois au moins autant être à l'écoute de Sven que lui de moi. Je comprends enfin les paroles de Circé: un garçon est bien plus fragile qu'une fille. En même temps je vois que comme moi Sven nage dans le bonheur: je ne cesse de le complimenter sur ses exploits. Circé m'a dit que cette chose qui est évidente pour moi ne l'est pas pour lui et qu'il faut sans cesse le flatter et le complimenter. Jamais il ne faillit et cela prouve que notre équilibre est atteint.


Circé


Sven et Morgane ont changé. Leur rayonnement augmente. De nouvelles couleurs émanent d'eux. Ils s'enrichissent l'un de l'autre. Ils forment comme un seul cristal d'une cohérence, d'une pureté et d'un éclat inimaginable. C'est à une vraie métamorphose que j'assiste. J'en suis émerveillée.

Morgane, si indépendante d'habitude, ne quitte plus Sven, ses pas sont sans cesse dans les siens. Elle est devenue encore beaucoup plus féminine. Elle pense d'abord au garçon, elle a perdu en quelques jours son égocentrisme de petite fille gâtée. Elle a enfin quitté son enfance. Elle est pleine de prévenances pour Sven, le gâte, le cajole, le flatte, l'embrasse sans cesse. L'adolescent en a besoin comme une terre assoiffée d'eau, son enfance à lui a terriblement manqué de tendresse et d'attention.

Sven a acquis beaucoup plus d'assurance. Il ne baisse plus les yeux quand on lui parle. Son regard est franc et direct. Il ose parfois me défier, et j'en suis heureuse. En deux semaines c'est devenu un vrai petit mâle, il a perdu son attitude parfois androgyne. Sven et Morgane forment un couple rare. Leur caractère qui s'affirme très différent contraste avec leur apparence physique gémellaire. Lors de leur deuxième semaine je prévois trois petites excursions, pour les obliger à quitter un peu leur état fusionnel. Il faut aussi épargner les forces de Sven, l'adolescent mange peu et parait de nouveau épuisé. Petit à petit il faudra que le couple apprenne, par moments, à se sevrer. Rester trop longtemps dans la fusion est impossible, et après l'extase ils devront apprendre la douleur de la séparation. Autant que cela ne se passe pas trop brutalement. Mes parents et le personnel seront de retour dans quelques jours. Sven et Morgane ne pourront plus s'unir à n'importe quel moment. La piscine sera à nouveau ouverte à tous. La chambre de Morgane est heureusement éloignée du centre du palais, et c'est là qu'on a mis le grand lit pour accueillir le garçon quand il désirera rejoindre Morgane... Le reste du temps il doit pouvoir se reposer dans sa propre chambre.


Le courrier que je reçois ces derniers temps appelle des prises de décisions importantes. L'avenir des Salvati est en train de se jouer. L'oncle de Sven vient en Toscane cette semaine. Il m'a envoyé un article du Danske Dagblad: on y lit le décès étrange du Maître de la secte où Sven est né. Le gourou serait mort d'une crise cardiaque, avant d'être lacéré par les griffes puissantes d'un grand félidé. On n'a pas retrouvé l'animal, on le pense échappé d'un zoo mais aucun zoo ne l'a réclamé. On a découvert des sarments de vigne poussant dans la pièce où le Maître est mort, la police ne parvient pas à expliquer le phénomène. La secte a aussitôt institué un nouveau chef spirituel bien plus redoutable que le précédent. Ce dernier a une vision tout aussi fausse de ce que doit être la pureté de l'Enfant du Verseau: il doit être puceau. Décidément cette obsession absurde n'est pas propre aux Catholiques ou aux Protestants, elle est aussi celle de plusieurs sectes. Le nouveau chef spirituel a envoyé des pisteurs autrement plus efficaces que ceux de son prédécesseur. Ils ont remonté la trace de Sven jusqu'à Florence. J'ai allumé un contre-feu en faisant faire de belles photos du jeune couple chez le meilleur photographe de Florence. Ensuite les photos ont été mises en vitrine. J'ai envoyé un 'informateur' aux pisteurs, qui les a amenés devant les photos. Ils ont donc été mis au courant que leur Enfant-soleil avait une petite amie et sont aussitôt rentrés déçus.

Mais Mathias, l'oncle de Sven, connait la secte. Il a peur qu'ils cherchent à s'en prendre au premier enfant né de Sven. Il sera trop tard, la triple conjonction se sera opérée, pourtant on doit se méfier d'eux tant qu'ils n'auront pas définitivement perdu la partie. Cela m'inquiète. Il faudrait que le premier enfant de Sven soit un enfant caché, élevé dans une autre famille. Il sera le premier de la génération suivante des Salvati. C'est à moi d'influencer le sort, c'est à moi d'avoir toujours plusieurs coups d'avance dans la partie d'échecs qui m'oppose à la secte maléfique. Pourtant j'ai l'intuition que la mort de Björn et les pouvoirs accrus du nouveau gourou nous serviront. En temps voulu il faudra retourner les forces de l'adversaire contre lui-même. J'y excelle. Plus elles sont grandes plus les dégâts seront considérables. L'entité puissante qui a tué Björn nous a donc bel et bien rendu service. Cette aide me rassure. Ce qui me rassure beaucoup moins c'est que j'ignore les enjeux exacts de la réussite de la triple conjonction. C'est comme si cette réussite était vitale dans une autre dimension que la nôtre...

Une deuxième lettre nous apporte une autre bonne nouvelle. Mère est née au Danskmark, exactement dans la même région que les parents de Sven. Cela nous a inquiétés. Nous avons fait passer Morgane pour ma demi-sœur, en réalité elle est une sœur adoptive. Son tout jeune père s'est noyé dans un lac, une semaine après son mariage, en allant pêcher. L'histoire de Morgane rejoint ainsi celle de Sven: aucun des deux n'a connu son père biologique. Et elle rejoint la mienne: ma maman est morte en me donnant la vie et je ne l'ai donc pas connue. Devenu veuf, papa s'est remarié avec la mère de Morgane alors qu'elle était déjà enceinte. Mon père a reconnu Morgane comme étant sa propre fille. C'est une caractéristique fondamentale des Salvati, nous sommes tous des orphelins, de père ou de mère.

La stupeur de mes parents lors de la première visite de Sven provient aussi, en dehors de sa beauté solaire, de son incroyable ressemblance avec Morgane. Choqué, papa a discrètement entamé une enquête. Il m'a autorisé à ouvrir le courrier avec le résultat de celle-ci, pour lui en faire le rapport par téléphone. Physiquement, Sven et Morgane ne sont pas  frères et sœurs. Cela nous soulage. C'est donc la gémellité de leur âme qui transparaît par leur corps. Bien sûr ils proviennent de la même contrée, d'où leur ressemblance physique étonnante...

Papa et mère veulent absolument adopter Sven. En dehors du sujet de mon mariage ils ne parlent plus que de cela. Il n'y a pas que Morgane et moi qui tenons à ce garçon comme à la prunelle de nos yeux... Le tout est de faire accepter cette deuxième adoption par l'oncle de Sven. Morgane a déjà la double nationalité, on la procurera aussi à Sven aussitôt son oncle d'accord. Ils seront tous deux danskois et toscans. Notre famille est puissante, notre magie aussi. Même les registres nous pouvons les changer...









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