16.21. Attiré par le vide.


Morgane


Le lendemain matin, après le petit-déjeuner, Sven et moi on retourne à nos jeux favoris à la piscine. J'en profite pour le solliciter plusieurs fois. La journée s'annonce très chaude. La fraîcheur de l'eau est particulièrement bienvenue. Les adultes sont partis en calèche faire une visite de l'immense domaine. La cloche de midi nous appelle trop vite à notre goût. Le carrelage de la piscine est devenu brûlant. Les taches d'eau formées par nos pas sur le marbre blanc s'évaporent de suite. La lumière devient aveuglante. Heureusement on a emmené nos vêtements et nos sandales avec nous, et on se dépêche de les enfiler avant de remonter à travers les jardins en terrasse. L'air est vibrant de chaleur. On joue à une course-poursuite avant de rejoindre l'ombre accueillante du porche du palais, haletants et trempés de sueur. Tant que l'oncle Mathias est là ma mère ne peut rien ordonner à Sven, alors elle se rattrape sur moi:

- Morgane, combien de fois dois-je encore te répéter que c'est folie de courir par une telle chaleur! C'est à toi de montrer l'exemple! Mon Dieu, dans quel état vous êtes-vous mis! Sandra! Sandra! Apporte-nous des essuies, et un plateau avec une carafe d'eau et des verres! Julia, va chercher des vêtements secs pour ces sales gosses! Apportez tout cela dans le cabinet vert. Le repas va être servi! Dépêchez-vous. Vivement que ce garnement soit adopté, il va voir de quel bois je me chauffe!

Ma mère part donner des instructions pour le repas. Nous on se dirige vers le cabinet vert en riant et on se déshabille entièrement. Sandra vient avec le plateau et on se rue sur l'eau, toujours nus, comme si on avait traversé le désert. J'admire Sven pendant qu'il boit: il ferme les yeux et jouit pleinement du moment. Il soupire de bonheur et je l'embrasse. Je m'essuie et je m'habille pendant que Sven se laisse complaisamment essuyer les cheveux et le dos par Julia. La servante y met un peu trop de temps et de douceur à mon goût. Ce n'est qu'après que Sven lui reprend l'essuie pour achever la tâche. Il enfile prestement les vêtements secs et on se dirige vers la salle à manger en laissant les habits trempés sur le sol derrière nous.

Le repas est plus décontracté que la veille, tout a été discuté et le conseil ne fera qu'entériner ce qui a déjà été décidé. Il n'y a que Lorenzo qui affiche un air sombre. Circé m'a prévenue: Lorenzo peut avoir des moments de grand cafard, son enfance a été très triste. Lorenzo et Sven ont quartier libre, c'est le dernier conseil avant qu'eux aussi y assistent de plein droit. Lorenzo disparaît dans le jardin, Sven va se reposer dans sa chambre sans que personne ne l'y invite, il y a du progrès.


Sven


Comme d'habitude le soleil me réveille vers quatre heures. Je pourrais fermer la persienne mais j'aime être réveillé par le soleil. Je m'étire langoureusement dans mon lit. C'est vrai que c'est la belle vie ici. On y prendrait vite goût! Je m'habille et vais piquer de la limonade au citron dans la cuisine. Elle est délicieuse, faite maison, chaque jour, avec des citrons du domaine, et elle est à peine sucrée.

- Monsieur Sven, vous n'aviez qu'à nous appeler!
- Tu es gentille, Julia, mais je ne suis pas habitué à me faire servir.
- Il faudra bien vous habituer un jour, Monsieur Sven!

Rêveur mes pas me guident de terrasse en terrasse vers la piscine. J'ai à nouveau envie d'y piquer une tête. J'entre par la porte restée ouverte et là je marque un temps d'arrêt, horrifié. Lorenzo est debout, sur le parapet. Au-delà il y a plusieurs mètres de vide. Je ne veux surtout pas l'effrayer. Je lui parle tout doucement, en avançant vers lui, il a l'air d'un somnambule. Mais un somnambule en plein jour et dans le soleil. 

- Lorenzo? Lorenzo? Attends, ne bouge pas, s'il te plaît? Attends encore un peu, quelques minutes, cela ne change rien pour toi, non? Je dois te parler, tu veux bien m'écouter?

J'arrive à sa hauteur. Son visage est inondé de larmes. Je remarque que derrière lui il y a deux matelas superposés sur  un socle, il a dû les mettre ainsi pour monter sur le parapet. 

- Lorenzo, il s'est passé quelque-chose?

Je me place derrière lui. Ses bras pendent le long de son corps. Je me tiens prêt à les agripper. Soudain il commence imperceptiblement à basculer dans le vide. L'équilibre est rompu, j'ai tout juste le temps d'attraper chacun de ses bras pour le tirer vers l'arrière, on tombe sur les matelas. Je reçois un de ses coudes en plein dans le ventre, j'ai la respiration coupée, une de ses mains me griffe au visage et je saigne, mais je continue à m'agripper à lui comme un noyé, de peur qu'il ne s'échappe.

- Lorenzo, pourquoi?

Lorenzo fond en pleurs. Il ne parvient plus à s'arrêter. Je le prends dans mes bras et lui chuchote doucement: 

- Pleure, cela te fera du bien. Tu me raconteras après. Lorenzo, on tient très fort à toi! Ton mariage est annoncé. Et tu veux nous faire faux-bond? Si tu pars, que deviendra Circé? C'est comme si tu t'enfuyais le jour de ton mariage, en pire! Et tous ceux qui dépendent de toi à Rome et ailleurs, tu y as pensé? Tu es le photographe le plus génial que je connaisse! Tu vas nous priver de tes œuvres? 

Alors il me raconte. Il me raconte en une seule traite, il a difficile à respirer. Par moments ses mots peinent de sortir tellement il sanglote. Des mots restent calés dans sa gorge et je dois le faire répéter certaines phrases. Il me raconte sa terrible solitude d'enfant, quand il était considéré comme un monstre par ses parents. Il me raconte les persécutions horribles à l'école, où il était le souffre-douleur de toute sa classe. Il me raconte toutes ces fois où il a été battu, simplement parce qu'il n'était pas comme les autres. Il me raconte tous ces moments où il se cachait, recroquevillé de douleur, de solitude et de désespoir, sous un escalier de l'école. Il me raconte les questions obsédantes qu'on posait toujours à propos de lui: pourquoi il marche, parle, rit, crie, mange comme une fille alors que c'est un garçon? Pourquoi il est si bizarre? Il ne peut pas se conduire normalement, comme tout le monde? Lorenzo, fais voir, marche, regardez, il marche comme une gonzesse! Lorenzo, pourquoi tu parles comme cela? Arrêtes de faire la fille! Lorenzo, lance la balle! Regardez, il lance la balle de bas en haut, c'est une gamine déguisée en garçon! Lorenzo, tu nous fais honte, va jouer à la poupée! Et personne pour le consoler, personne à qui se confier. Tout le monde l'évitait, personne ne voulait se montrer en sa compagnie. Il n'avait pas d'ami. La question d'un surveillant qui ne comprenait rien à rien: pourquoi ils te font ça? Cette impossibilité de changer. Cette impossibilité de changer sa voix qui part parfois dans les aigus quand il s'excite ou rit, cette impossibilité de changer sa manière de bouger...

- Je suis toujours seul, partout, ma singularité m'isole des autres. Partout on se moque de moi en me disant maniéré et efféminé, comme si j'y pouvais quelque-chose! Et au moment où enfin je crois que ma vie va changer, la réalité me rattrape. Deux fois déjà je suis tombé amoureux, c'étaient des garçons, et ils se sont lassés de moi en quelques mois. Maintenant je suis amoureux de Circé. Je ne supporterais pas qu'elle me quitte, je ne veux plus jamais être abandonné! J'ai tellement peur, si tu savais comme j'ai peur!

Je sens tant détresse en lui que je donnerais n'importe-quoi pour le consoler. La détresse des autres me désarme complètement.

- Lorenzo, je comprends ta peur, mais est-ce juste de mourir avant d'avoir essayé la vie? De mourir par peur de l'avenir? Jusqu'ici tu t'en es magnifiquement tiré! Circé est folle amoureuse de toi, je sais, ce n'est pas facile à croire quand on n'a pas été aimé durant les premières années de son enfance et tant d'années après. Il y a toujours le doute en soi, au début. Bienvenue au club! Mais ici tu ne seras plus jamais seul. Non seulement Circé t'aime, mais nous aussi, même si c'est autrement! La chance est là, saisis-la!
- Qu'est-ce que tu en sais, si Circé m'aime réellement? Peut-être qu'elle se marie avec moi d'abord pour les terres?
- Lorenzo, je vais te confier un secret et je crois que Circé ne m'en voudra pas, tu y as droit car tu es le premier concerné. J'en ai marre des secrets.
- Un... un secret?
- Oui... un... un... secret
- Arrêtes de m'imiter!
- Arrêtes de m'imiter!

J'essaye de le mettre en colère, la colère vaut mieux que le désespoir. Mais il se remet à pleurnicher. Alors c'est moi qui me mets en colère. 

- Merde à la fin! Tu n'as pas le droit de douter d'elle! Elle est comme une grande sœur pour moi! Elle est fabuleuse, tu n'imagines pas la chance que tu as d'être élu par elle! Et tu ne sais même pas ce qui s'est passé! 

Lorenzo continue de renifler, sa respiration est difficile, mais je sais qu'il m'écoute.



désespoir, Histoires de faunes, rejet, tentative de suicide, dragon,
Circé avait un autre fiancé avant toi, Drago Pazzi..
© Eric Itschert.



- Circé avait un autre fiancé avant toi, Drago Pazzi. Se marier avec toi pour les terres, tu me fais franchement rire! Drago possède quatre fois plus de terres que toi, sans compter ses trois palais entièrement restaurés et toute sa fortune. Parlons-en de tes terres! C'est déjà Circé qui les gère! Circé est folle de toi, elle n'a jamais aimé Drago! Elle se marie avec toi parce-qu'elle t'aime profondément, elle me l'a confié! 


… sans compter ses trois palais entièrement restaurés et toute sa fortune.
Image créée avec une IA.


Lorenzo arrête ses pleurs et me regarde à travers ses larmes, sidéré:

- J'ignorais pour les biens de Drago Pazzi. Elle... elle t'a confié qu'elle était folle de moi?
- Je trouve que vous devriez plus souvent vous parler l'un l'autre. Bien sûr, idiot! Et elle est parfaitement consciente du scandale que le mariage va occasionner à Florence. Il ne s'agira pas d'un scandale lié à ta personnalité, mais à ton nom. Toi aussi tu es un Salvati. On parlera de mariage entre cousins ou pire, de mariage consanguin. Par amour pour toi Circé est prête à assumer tout cela, et une fois qu'elle est décidée elle ne changera plus d'avis. Circé est une fille fidèle! Elle ne donne pas facilement sa parole, elle a vingt-cinq ans et en tout elle n'a connu que trois amants, dont tu fais partie.
- J'ai peur de ce mariage! D'abord je ne m'en sens pas digne, ensuite je ne supporterais plus les moqueries et les allusions des gens. J'ai peur de la foule. En groupe les humains deviennent de méchants animaux!
- Lorenzo, est-ce que oui ou non tu aimes Circé?

Lorenzo pleure de plus belle.
- Mais oui évidemment!

Je reprends d'une voix douce et apaisante:
- Lorenzo, ce mariage ne se fera pas à Florence mais ici, à l'église du village. Est-ce que Circé t'a dit qu'ici ceux du village t'aiment beaucoup?
- Tu... tu racontes n'importe quoi.
- Zut, quand vous êtes ensemble vous parlez de quoi alors?
- Oui bon, c'est moi le responsable. Toutes ces histoires de domaines ne m'intéressent pas. Quand Circé veut m'en parler je change souvent de conversation. Je préfère l'interroger sur la décoration et l'architecture du palais. Cela au moins ça me fascine. Et puis à cause de mon travail on ne se voit pas assez souvent.
- Moi non plus cela ne m'intéresse pas trop, la gestion des domaines. Mais le métier de Circé c'est d'être régisseuse, tu devrais être plus souvent à son écoute. Alors tu comprendrais pourquoi le village t'apprécie. Les gens du village ont été soulagés quand Circé a rompu ses fiançailles avec Drago. Drago voulait racheter tous les domaines de la région. Il aurait opéré une restructuration comme on dit si élégamment. Plusieurs centaines de gens auraient perdu leur travail, au profit d'une agriculture industrialisée et bourrée de pesticides. Cela aurait sonné le glas de l'agriculture et des vignobles bios de la région. Drago aurait gardé les noms, les appellations et les étiquettes. Les produits vendus n'auraient plus rien à voir avec ceux de maintenant. Quand Circé a rompu ses fiançailles, Drago a abandonné l'idée de rachat des domaines de notre région et est allé sévir dans un autre coin. Depuis lors la Confédération Européenne a interdit les pesticides. Le village t’accueillera en ami, que tu sois efféminé ou pas ils s'en foutent.
- J'ignorais tout cela... Je te dois une fière chandelle...

Après un moment de calme Lorenzo recommence à sangloter. Mais je sais que chacune de mes paroles le rassurent et le ramènent vers la vie. Alors j'essaye l'humour.

- Zut alors, tu as décidé de me persécuter ou quoi?

Lorenzo rit et pleure à la fois. 

- Tu n'es pas bien parmi nous? Ici personne ne se moque de toi. Nous sommes comme des enfants dans une arche de Noé, nous avons tous été sauvés. Nous nous devons d'être solidaires entre nous. Tu as trouvé une famille. Tous on t'aime comme tu es. 

J'ai gagné. Lorenzo se lève, en colère.

- Tu crois que c'est facile de se cacher continuellement? De ne jamais pouvoir se montrer nu, de ne jamais pouvoir prendre une douche devant les autres? De devoir se soustraire à la vue et s'accroupir pour faire pipi, comme les filles? De vivre avec ça?

Lorenzo enlève rageusement son slip. C'est à mon tour d'être sidéré. Il y a son lingam, puis en dessous... rien! Le fourreau de son lingam n'a pas d'ouverture, sa tête n'est pas percée, tout est lisse. Son urètre se retrouve à la base inférieure du lingam. Plus tard il me racontera les hormones qu’il a dû prendre pour grandir normalement.

- Tu vois? Je te dégoûte hein?

Après un premier mouvement de recul, je reprends avec le plus de tendresse possible:

- Absolument pas. Moi aussi je n'ai pas assez parlé avec toi, je ne t'ai pas assez écouté. Je suis vraiment en tort.  Pardonne-moi. Oui bon tu es un peu particulier mais d'après Circé tu es un amant formidable. 

- Quoi... elle t'a même confié cela? 

- Euh... non, en fait pas à moi mais à Morgane. Puisqu'on en est à faire des confidences, moi à chaque fois que j'arrive à l'extase je sème beaucoup et je perds de mes forces. Toi tu es infatigable, dans un harem tu serais la perle des perles! Tu es toi aussi un être magnifique, seulement tu l'ignores encore trop souvent. Tu n'es pas conscient de tes qualités exceptionnelles, c'est pour cela qu'il faudra te le répéter souvent. Maintenant je comprends mieux pourquoi Circé nous raconte si souvent qu'en toi elle a trouvé un trésor absolument unique.

Lorenzo rougit sous le compliment, il bégaie:

- Merci Sven, tu es vraiment trop gentil!

- Ce soir tu as le droit de tout savoir, peut-être seras-tu moins attiré par le vide après. Tu voulais réellement te suicider?

- En fait non. Mais parfois je suis désespéré alors je joue juste avec l'idée. Jusqu'ici je n'ai fait qu'une seule vraie tentative de suicide avec des barbituriques. Mais mon ami de l'époque est revenu de l'aéroport, il avait raté son avion, il m'a découvert alors que les médicaments n'avaient pas encore eu le temps d'agir. Ici c'était juste un accident, j'ai perdu l'équilibre. J'ai eu horriblement peur, je croyais que cette fois j'allais réellement mourir. Je me rends compte que je tiens très fort à la vie. Heureusement que tu étais là!

J'essaye l'humour.

- Promets-moi de ne plus jamais essayer ce genre d'expérience sans que je sois là. Il y a un magnifique pont en bas, serais-tu tenté par des sauts en élastique? Je suis ton homme, je peux t'organiser cela!
- Je détesterais ce genre d'expérience.

Je suis pris d'une immense tendresse pour lui, et soudain j'ai une intuition. J'enlève mes vêtements devant lui.

- Lorenzo, je peux venir dans tes bras? Tu ne me dégoûte pas.

Il me regarde avec des yeux ronds.

- Lorenzo, ici c'est ta maison maintenant. Quand on sera nous quatre à la piscine, nage tout nu comme nous. Ne te caches plus devant nous. On fermera la porte à clé et on sera les gardiens de ton secret. Tu es beau comme tu es. 

Il y a encore des larmes accrochées à ses longs cils, mais cette fois je le sens pacifié. Il finit par me prendre dans ses bras. Alors je lui caresse le dos et j'ose même descendre mes caresses plus bas, doucement, très doucement, à des endroits plus sensibles, je n'ai plus d'autres moyens pour lui exprimer toute la tendresse que j'ai pour lui et lui montrer  qu'il ne me dégoûte pas. Je voudrais tant que mes caresses le ramènent à la vie. Il frissonne malgré la chaleur. Je dois admettre qu'il me trouble et que ce n'était pas prévu. Je n'y puis rien, chaque fois que la tendresse me submerge j'ai cette réaction gênante. Lui aussi devient faune, mes caresses doivent y être pour quelque-chose.

- Eh bien, je n'aurais jamais imaginé...

Mais j’arrête tout net ma phrase, un compliment donné à un écorché vif peut s'avérer être très blessant. Heureusement il est tout occupé à savourer mes caresses sur ses reins et plus bas. Je prends tout mon temps. Je lui répète encore une fois, tout doucement:

- Tu es beau comme tu es...

Sa respiration est toute calme maintenant. Je plonge mes yeux dans les siens. Ses grands yeux noirs sont doux et très profonds, on dirait les yeux d'une gazelle. Je m'y perds, je m'y noie comme dans un lac sombre très profond. Les miens lui expriment toute la tendresse dont je suis capable. Puis je soupire et referme mes yeux. C'est tellement agréable de le caresser et je me sens bien dans ses bras. Il me murmure:

- Tu es un garçon formidable. Tu es tellement gentil... Toi aussi tu es beau. Tu seras un beau-frère bien plus génial que tout ce que j'aurais pu imaginer. Aujourd'hui tu m'as sauvé la vie, je n'oublierai jamais cela!

Je ris.
- Tu n'as pas envie de nager avec moi après toutes ces émotions? Et interdiction de remettre ton slip! Tu vas voir, c'est tellement plus agréable de nager tout nu.

Je vais mettre le foulard rouge à la porte, et puis je la ferme à clé. J'ai été dépassé par les événements, on a pris un risque en laissant la porte ouverte. Le secret doit rester bien gardé. Puis je retourne vers Lorenzo, je lui donne un bisou sur la joue et puis je m'enfuis:

- C'est toi qui y es, tu dois m'attraper! 

Après on joue comme des gosses. Lorenzo recommence à rire. Il est très précautionneux, il fait particulièrement attention à ne pas me faire mal en jouant.

Le soir arrive et on prend une douche ensemble. Manifestement Lorenzo adore cette situation. Il essaie avec beaucoup de tendresse de laver le sang autour de la griffe qu'il m'a faite. Nos lingams se touchent involontairement, on est tous les deux troublés et on rit, car on finit par se retrouver à nouveau tous les deux avec des lingams dressés. Lorenzo, admiratif, me fait plein de compliments flatteurs sur le mien mais je ne préfère ne pas relever ses remarques. On reste sages, je n'ai pas envie de nous entraîner plus loin. Quand on va trop loin c'est difficile d'en revenir après. C'est toute une responsabilité. Si on n'est pas sûr de pouvoir l'assumer il ne faut pas la prendre. On se contente de se laver le dos l'un de l'autre mais à nouveau il tremble de bien-être. Je devrais dire à Circé de le toucher bien plus souvent, il est visiblement en manque de tendresse. Il fait encore très chaud alors on s'allonge ensuite nus et mouillés sur de grands essuies posés sur un des divans. On se laisse sécher par la chaleur. On s'est mis de telle sorte que nos têtes soient l'une près de l'autre. Le soleil descend petit à petit sur l'horizon. Pendant tout un temps on n'a plus besoin de parler, on savoure ce moment passé ensemble. C'est Lorenzo qui le premier rompt le silence.

- Sven?

- Oui? 

- J'aimerais tant que nos enfants soient de toi. Jamais je ne supporterais que Circé se fasse féconder par quelqu'un d'autre. Aujourd'hui tu m'as sauvé la vie, alors il n'y a que toi qui peux donner la vie à nos enfants avec Circé... Et puis on s'entend tellement bien toi et moi. 

- Ah non, tu ne vas pas t'y mettre aussi? C'est une vraie conspiration ma parole! 

Lorenzo rit et en même temps je le sens à nouveau très angoissé. Il est tellement fragile, tellement vulnérable. Je ferme les yeux pour mieux profiter de cet instant de paix. Je me sens devenir chat et je m'étire langoureusement avec un soupir de bien-être. Pourtant mes pensées vont à toute allure. Je me rends à l'évidence, malgré toutes mes réticences ils ont raison, c'est la meilleure solution. Un mariage n'est jamais facile pour ceux qui se marient. C'est les autres qui font la fête. Si j'accepte maintenant Lorenzo tiendra plus facilement le coup, car on connaîtra la direction de nos pas.

- Bon, j'accepte, mais on est bien d'accord que ce n'est pas pour tout de suite? Laisse-moi le temps de me faire à l'idée. Et puis il est hors de question que vos enfants deviennent orphelins parce-que tu auras tenté le vol sans parachute! Promets-moi de t'ouvrir plus à Circé, passez plus de temps à parler ensemble.

Lorenzo se rue sur moi pour m'embrasser, je ne m'y attendais pas.

- Promis! Merci Sven! Merci!

C'est dans cette position, lui à quatre pattes sur moi et m'embrassant, moi couché sur le dos, lui toujours à l'état de faune, que les deux filles nous trouvent, on ne les a pas entendues arriver. Circé peut ouvrir toutes les portes, même celles qui sont fermées à clé. On entend leurs rires joyeux et puis la voix enjouée de Circé:

- Magnifique les garçons! Vous voilà en train de mieux faire connaissance. Si vous saviez comme cela me fait plaisir!

Je suis un peu gêné,
- Euh... Circé, ne t'imagine pas des choses...
- Dommage! On aurait bien aimé.

Les deux filles rient de plus belle, et Morgane rajoute:
 Sven, j'ai une magnifique nouvelle à t'annoncer!

Je lui fais mon plus beau sourire:
- Je suis adopté, j'en suis très honoré...
- Mais... tu es griffé au visage?
- Oh ce n'est rien, je suis tombé. Tu voulais me parler de mon adoption?
- Non, ce n'est pas cela. Ça c'était prévu.

Lorenzo me libère à contre-cœur, je vois plein regret dans ses grands yeux aux longs cils noirs. Ils sont devenus très langoureux, il doit se remémorer d'anciens souvenirs. Ensuite en un éclair je réalise qu'il aurait beaucoup aimé. Aller plus loin, le faire jusqu'au bout. Je lis un désir grandissant dans ses yeux, dans sa manière de me regarder, et soudain cela me fait peur. Je réalise que son lingam n'a pas arrêté d'être dressé depuis le moment où je l'ai pris dans mes bras. Je me relève d'un bond et vais faire un câlin à Morgane. Elle devient mon refuge et je frotte un instant mon nez dans son cou. Tout naturellement elle pose ses deux mains sur mes fesses. Elle les caresse avec tendresse. Je suis à nouveau gêné: c'est un geste que j'ai fait tantôt avec Lorenzo. Lorenzo observe les caresses avec envie. S'imagine-t-il être à la place de Morgane ou à la mienne? J'ai plein de sentiments contradictoires. J'ai l'impression que décidément, l'amour libre ce n'est pas pour moi. Les communautés façon hippie non plus. Cela me trouble trop. Avec Morgane tout coule de source. Mais après... J'ai l'air d'être le seul que cela gêne. Ce qui me rassure, c'est que je peux toujours refuser ce qui ne me plaît pas. Père a insisté là-dessus. Ici chacun respecte l'autre.

J'embrasse Morgane et lui murmure:
- Dis-moi, je suis curieux. Tu rayonnes. J'adore de te voir si heureuse!










Commentaires

Articles les plus consultés