16.28. Bienfait du plan social


Le premier bienfait du plan social.


Circé


Quand père m'a parlé du plan social j'étais contre. Je voyais uniquement ce qu'il nous coûterait en plus. Pour moi les ouvriers étaient sans visage. C'était la première fois que père me donnait avec fermeté un ordre contradictoire à ma volonté de régisseuse et de Magicienne. Je savais que l'ordre avait été instigué par Sven. Ce fut d'abord pour les beaux yeux du garçon que j'ai capitulé et accepté ce plan que je considérais comme une absurde et coûteuse lubie d'adolescent. Étant donné que Sven est très économe dès qu'il s'agit de lui-même, je ne pouvais pourtant pas l'accuser de gaspiller l'argent du palais et c'est cette dernière pensée qui fut l'élément déterminant de ma capitulation. 

Père me raconte la situation de notre ancien régisseur. 
- Il vit au village, il est à la retraite. Il a deux filles et un fils. Autant ses filles ont de suite pris leur place dans le monde du travail, autant son fils s'est révolté contre la société, même celle que nous essayons de reconstruire. Il a décroché de l'école et s'est enfui. Mais quelques années plus tard il est revenu avec une belle et tendre moitié enceinte jusqu'aux yeux. Il a supplié son père de lui donner du travail. Il a été affecté comme simple ouvrier aux Chemins de fer de notre domaine. Très vite il a eu plein de très beaux enfants, un par an! Ce qu'il gagnait devenait largement insuffisant pour nourrir tout ce merveilleux petit monde. Du coup ses parents et ses sœurs l'ont aidée, et sont à leur tour tombé dans la précarité. L'ancien régisseur adorait ton grand-père, par contre il ne nous porte pas spécialement dans son cœur toi et moi. Quand Sven a annoncé le plan social, j'ai vu certains ouvriers pleurer de joie. Parmi eux il y avait le fils de l'ancien régisseur. Certains verront leur salaire doubler dès le mois d'octobre.

Je saisis alors où père veut en venir.

- Circé, je compte envoyer les jumeaux pour demander l'aide du régisseur pendant ton absence. Partout je présente Sven comme l'héritier du domaine, et partout cela a des conséquences positives. L'ancien régisseur acceptera d'apporter son secours si c'est Sven qui le demande.
- Tu as raison. Je sens un danger imminent que je ne puis encore cerner. Le domaine aura besoin d'aide lors de mon absence. Loin du domaine, mes pouvoirs de protection seront affaiblis...
- Je crois donc que Sven est le mieux placé pour parler à la famille de l'ancien régisseur. Il y a plusieurs familles du domaine qui ont un membre travaillant dans nos Chemins de fer. Tu le savais?
- Non, et je commence à réaliser à quel point l'injustice peut représenter un danger pour notre palais. Chaque fois je sous-estime Sven. Comment tant de sagesse peut déjà habiter le corps d'un adolescent qui par ailleurs continue à se gaver de câlins aussitôt rentré au palais et qui me tient la main avant de s'endormir, comme un enfant?
- C'est l'Enfant-soleil. On oublie trop souvent le respect qu'on lui doit, parce-qu'il est encore si jeune. Il y a autre-chose que tu n'as pas bien réalisé. La plus grosse partie du contingent de nos pompiers volontaires provient des ouvriers de nos Chemins de fer. Cela s'explique en raison de leurs horaires de travail et du complément financier que cela leur procure. Hier matin Sven a pris son cheval. De sa propre initiative il m'a demandé de pouvoir réunir le corps des pompiers dans la salle de fête du village. Il est allé là-bas et les a harangués du haut de son cheval blanc, les félicitant pour leur volontariat et leur idéal.
- Ne me dis pas qu'il est entré dans la salle de fête avec son cheval?
- Bien sûr que oui, il a osé! On lui a ouvert grand les portes!
- Quel panache! Il est incroyable...
- La sécheresse est préoccupante cette année. Il leur a demandé d'être particulièrement vigilants et de ne jamais baisser leur garde. Avec mon accord il leur a offert des produits du domaine. Une femme qui travaille au palais a rapporté, fort émue, le discours de Sven. Son fils est pompier volontaire. Au retour de la réunion il était transfiguré, sa mère ne l'avait jamais vu ainsi. Il était remotivé à bloc! Il ne parlait plus que de cela, il y avait plein d'étoiles dans ses yeux. On a délaissé le village, Sven leur redonne l'espoir et les fait rêver. Tout est lié, Circé, c'est nous qui avons baissé notre garde et Sven est là pour nous réveiller!
- Il m'étonne de plus en plus... Les jumeaux seront donc nos ambassadeurs. Père, en toutes ces questions je me soumets à ton avis. Oui, j'ai baissé ma garde, et mon tort est de ne pas assez t'écouter.
- Je les envoie dès ce matin, aussitôt que Morgane est arrivée.



La mission



Morgane a à peine le temps de déposer sa valise qu'on lui demande de se changer. On habille les jumeaux tout en blanc, leurs deux chevaux sont blancs et en sortant sur la route du palais ils ont fière allure.


Les jumeaux  seront nos ambassadeurs...
Illustration © Eric Itschert


Morgane


Lors de ce matin de la mi-septembre Sven m'attend à la gare de Florence. Fabio l'accompagne: Circé ne veut pas laisser mon jumeau isolé. Une fois descendue du train Sven court vers moi, on s'embrasse à perdre haleine.  Fabio exige de porter ma valise, nous on se tient par la main.
- Sven, j'ai trop envie de toi! Je ne pense plus qu'à ça depuis hier soir. C'est vraiment urgent, cela me rend folle!
- Tu n'as pas de chance, mon amour, tu devras attendre jusqu'à la sieste.
- Oh non, qu'est-ce que Circé a encore inventée?

Une fois Fabio parti on entre dans la voiture et Sven m'explique le programme. Après deux semaines d'absence je me serais bien passée de cette mission d'ambassade. Elle réduit d'autant plus le temps que je passerai seul à seul avec Sven. Mais mon ange prend sa mission fort à cœur. C'est à cheval qu'on quitte le palais. Quand on arrive chez l'ancien régisseur celui-ci nous accueille avec beaucoup de déférence. Il donne des ordres pour qu'on s'occupe de nos chevaux, sa femme s'agite pour nous préparer quelque-chose à manger. Sa belle-fille vient nous saluer avec un gosse dans les bras. D'autres gosses suivent, Sven en soulève un et le prend dans ses bras:
- Tu es trop mignon toi! Et peu farouche avec cela!

La mère regarde Sven en coin avec un beau sourire, en voilà déjà deux de conquis! J'aime le visage et les yeux de l'ancien régisseur. Son regard est droit et franc. On reçoit des choses délicieuses à manger, tous les produits sont frais. Sven partage avec le gosse qui ne prétend plus quitter ses genoux. On a droit à un très bon verre de vin rouge. L'ancien régisseur reçoit la proposition de Sven avec sérénité, cela le touche qu'au palais on pense encore à lui. Je le sens ému même s'il n'en laisse rien paraître. Il dit qu'il est très honoré d'avoir à faire avec l'héritier des Salvati et qu'il fera tout son possible pour le servir au mieux.
- Si vous me permettez... vous ressemblez fort à votre grand-père!

Sven est un peu gêné, il sait qu'il n'a aucune affiliation avec le grand-père de Circé. Comme s'il avait deviné l'embarras de Sven, le régisseur reprend:
- Il y a une telle ressemblance entre vos regards, vos yeux expriment la même douceur et la même préoccupation des autres... Excusez-moi, je n'aurais pas dû dire cela.
- Ne vous reprochez rien, j'apprécie particulièrement la franchise, c'est une qualité très précieuse de nos jours. Simplement je n'ai pas vraiment connu notre grand-père. Je sais seulement qu'il a fait beaucoup de bien autour de lui, et en cela je veux lui ressembler. 

Mon ange les a véritablement ensorcelés. On les remercie chaleureusement. On se remet en selle. Quand on les quitte Sven et moi on incline légèrement notre tête en guise de salut, et soudain nos deux chevaux font de même. Le soleil illumine nos tignasses blondes. Alors l'ancien régisseur s'agenouille, le chapeau entre les mains, et toute sa famille suit, comme s'ils saluaient une apparition. 

Une fois suffisamment éloignés pour ne pas être entendus, Sven s'exclame: 
- Mais ce n'est pas possible! À quelle époque vit-on? On se croirait au Moyen-âge! 
- Sven! C'est nos coutumes, il faut faire avec! Eux seraient les premiers à te reprocher de ne pas respecter nos usages. En tout cas je te félicite, tu n'as pas fait un seul faux pas. On dirait que tu as été héritier depuis toujours, mon frère adoré! Tu as conquis leurs cœurs. Tantôt j'ai envie de commettre un très très gros inceste! 

On rit.

- Tu m'as laissé me débrouiller tout seul, oui!
- Le silence fait partie de mon personnage. Toi ils te vénèrent, moi ils me craignent. Je ne sais quelle est la position la plus enviable... En tout cas on forme un beau tandem!

On rentre fièrement au palais, on a réussi notre première mission avec succès. 


On doit se dépêcher de prendre une douche et de se changer, la cloche sonne et le repas me semble horriblement long. Sven rend compte de notre mission. Sa mémoire est telle qu'il peut citer avec exactitude toute la conversation mot après mot. Père et Circé nous félicitent. Moi tout ce que je désire maintenant c'est d'être toute seule avec mon ange, peau nue contre peau nue, et de m'accoupler avec lui. Heureusement Circé comprend ma torture: au dessert je lui jette des regards éplorés. Elle propose qu'on remette le dessert au goûter. Sven a reçu son content de massages, mais moi je suis vraiment en manque. Je vais aussitôt rejoindre Sven dans sa chambre. On lutte pour savoir qui sera au-dessus de l'autre mais je me soumets très vite, mon désir d'être uni à lui est trop fort et Sven en profite.

- Je t'en supplie, Sven, viens en moi maintenant. Tu as gagné!

J'adore cette fierté de petit mâle que je lis dans ses yeux quand il gagne et qu'il me prend en conquérant. Rien que pour cela je veux bien me laisser vaincre... Sven rit:
- Puisque c'est moi qui ai gagné, c'est moi qui dirigerai nos ébats pendant toute la sieste. Ce soir cela sera toi.
- Tu ne perds rien pour attendre, mon petit bonhomme! Tu vas voir! Mort au patriarcat!

On rit tous les deux. Ensuite je suis incapable de dire encore quoi que ce soit. La voix de Sven se fait très douce:
- Retourne-toi... remonte ton bassin... écarte bien les jambes... oh mon Dieu, quel spectacle splendide!

Je m'exécute docilement. Je tremble de désir. Je suis trop loin maintenant... Après quelques délicieux coups de langue il entre en moi et je ne peux m'empêcher de gémir. La première extase arrive très vite, elle est très intense. Je ne m'y attendais pas, elle me prend totalement au dépourvu...



Le lendemain soir nos adieux sont moins déchirants qu'il y a deux semaines: tout d'abord on est deux à quitter le palais et à se relancer dans les études. Sven a le cœur battant: une nouvelle année commence, avec toutes ses inconnues. Ensuite on se rend compte que cette fois c'est Circé qui est la plus affectée par notre départ. Elle a l'air très inquiète. Elle parlemente avec Sven:
- Tu reviens vendredi soir?
- Circé, je ne peux rien te promettre, tout dépend du travail qu'on aura reçu! Tu sais, je dois d'abord penser à mes études maintenant. 
- Samedi soir alors, et tu rentreras à l'internat lundi matin tôt? Je te ferai préparer tes plats favoris, et tu auras un méga-massage de bon.
- D'accord, cela devrait aller...
- Petits soleils, vous allez me manquer tous les deux!

Je ne puis cacher un sourire: les rapports de force sont en train de changer, c'est Sven qui se fait prier par ma sœur... Mon train arrive, quand il se remet en route Circé se tient derrière Sven et l'enlace dans un geste protecteur. Une fine pluie commence à mouiller le quai: elle s'accorde avec notre humeur. La voiture repartira dans Florence, Sven sera déposé devant l'internat avec ses nombreux bagages. Fabio l'attend déjà...



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