16.57. L'île d'Hélios

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L'île d'Hélios


TROISIÈME LIVRE


Le Retour de Circé




Circé


Notre vie nous offre bien souvent des épreuves inattendues. Je crois qu’il faut les prendre comme des cadeaux. Lorenzo et moi avons eu plusieurs entretiens avec le prêtre catholique chargé de notre mariage à l’église. C’était un homme intelligent, et il nous raconta, en guise d’illustration de ce qui nous attendait, une partie de la cérémonie d’un mariage orthodoxe. Cette partie s’appelle l’office du couronnement. Une petite table a été préparée au milieu de la nef. On y a déposé les évangiles. Les jeunes mariés sont introduits dans la nef par le prêtre et tiennent chacun un cierge allumé. Le prêtre couronne les deux mariés. À la fin de la cérémonie, le couple fait trois fois le tour du petit autel, guidé par le prêtre. Au premier tour il y a des chants d’allégresse, au second des chants de carême, et au troisième des chants de victoire. C’est amusant, je me souviens d’avoir dit au prêtre :

- Dommage qu’une telle cérémonie n’existe pas dans l’Église catholique !

Car le message est clair : des épreuves nous attendent, c’est à nous de les surmonter pour arriver à l’Amour vainqueur. Ici on en est à notre premier tour : notre voyage de noces est idyllique. Être confronté jour et nuit en tête à tête avec la personne que l’on aime est révélateur. Je découvre des aspects cachés de Lorenzo qui me charment. Non seulement c’est un amant sensible et infatigable, mais c’est un compagnon de route inventif, curieux et passionnant. Et puis je ne me lasse pas de sa beauté, elle est un plaisir infini pour les yeux. Me réveiller chaque matin en sa présence c’est vraiment le bonheur. J’ai rarement vu un être aussi attentionné et aussi altruiste. Je bénis mon choix ! Heureusement que personne n’a vu avant moi à quel point ce garçon est un trésor. Comment ai-je pu vivre aussi longtemps sans lui ? Le pli est pris, je ne pourrai plus jamais m’en passer. Il y a une part féminine en lui, elle nous rapproche encore.

Nous avons prévu une croisière sur un voilier. On descend jusqu’à Pise en voiture, et on embarque au petit matin sur un superbe trois-mâts barque à la coque blanche et au pont de bois vernis. Son nom est ‘L’Aurore’. Le navire lève l’ancre aussitôt qu’on est à bord. Les cabines sont luxueuses. Après une sieste, le capitaine nous fait visiter son bateau. Il nous décrit fièrement les caractéristiques de son navire : un trois-mâts barque porte à l'avant un mât de misaine, au centre le grand mât et derrière le mât d'artimon. Le grand mât est le plus haut, ensuite vient le mât de misaine. Ce qui distingue notre voilier d’un trois-mâts carré, c’est sa voile d'artimon. Dans notre cas, la voile d'artimon est une voile aurique établie sur une bôme et une corne. Deux grandes voiles solaires parachèvent le tout, une de chaque côté. Quand elles sont déployées elles sont presque horizontales.

On commence par du cabotage. On descend lentement la côte vers le sud et on visite plusieurs lieux dont la ville de Naples et Pompéi. Ensuite on passe le détroit entre la Sicile et la Calabre, quittant la mer Tyrrhénienne pour entrer dans la mer Ionienne. Arrivés à Syracuse, on quitte la côte sicilienne pour naviguer en haute mer. On vogue en ligne droite cap sur l’île d’Hélios, au sud-ouest de Corfou. Les enfants fleurs l’appellent tout simplement l’Ionienne, avec un regard entendu et plein d’étoiles dans les yeux. Sur la plupart des cartes l’île n’est pas mentionnée, c’est comme si elle n’existait pas. En dehors d’un bateau de ravitaillement qui aborde l’île une fois toutes les trois semaines, rares sont les navires qui s’y rendent, elle ne fait pas partie des routes maritimes. Par une sorte de magie, les non-initiés confondent cette île avec celle de Rhodes, et se rendent sur cette dernière. La mer est splendide, on est obligé de déployer les voiles solaires car il n’y a presque pas de vent. Des dauphins nous accompagnent.


* * *


Enfin l’île apparaît, c’est une jolie grande montagne boisée et verte posée au milieu de l’océan. En approchant on a le loisir d’admirer l’île. Enfin le voilier s’engage dans le port. À tribord on longe un phare au bout d’une jetée, et à bâbord la statue d’un splendide éphèbe au visage entouré de rayons d’or. La représentation d’Hélios est de taille modeste, mais sa hauteur fait quand-même les deux tiers de celle du phare. Elle est réalisée en bronze, seule la chevelure bouclée du dieu, ses sourcils et les rayons sont recouverts d’or. Une fois amarrés dans la rade notre capitaine nous annonce que suite à une avarie notre navire devra y faire relâche pendant plus longtemps que prévu. Mais Lorenzo et moi on prend cette nouvelle comme une véritable aubaine, car aussitôt arrivés on s’est laissés enchanter par l’île. 

Quand on quitte le navire on est soumis à un contrôle de douane, l’île a un statut spécial et il faut avoir un visa pour y entrer. Parmi les formalités on doit présenter un certificat de bonne santé datant tout au plus de deux semaines, un certificat de recommandation, et nos bagages sont fouillés minutieusement. Je ris :

- Eh bien, ils sont plutôt méfiants par ici ?


Lorenzo a un grand sourire, c’est lui qui a organisé le voyage :

- L’île a été victime de son succès. Les hippies y apportèrent beaucoup de vie et de devises, mais c’est aussi avec eux qu’arriva le fléau des drogues et des maladies de toutes sortes ! Sans parler des trafics en tout genre… Alors les habitants ont décidé de prendre des mesures drastiques. Il ne leur a pas fallu cinq ans pour redresser la barre. Ils ont totalement éradiqué les maladies, quitte à exiler dans une île lointaine tous ceux qui étaient incurables. Ils ont éliminé tous les trafiquants, un par un…

- Et j’ai vu le prix du visa ! La taxe de séjour n’est pas donnée, en elle-même c’est déjà un outil de sélection sévère !

- Tu sais, j’ai n’ai eu le certificat de recommandation que grâce au père de Sven…

- Et tu dis que c’est le seul endroit où on peut encore trouver des enfants-fleurs ? C’est un musée de luxe alors ?


Lorenzo rit.

- En quelque sorte… Mais j’étais prêt à y mettre le prix ! Je savais que tu rêvais de revivre ce monde que ton père avait connu, et puis c’est un des seuls endroits qui ait échappé à la normalisation… 

- Lorenzo, c’est le plus beau cadeau que tu puisses me faire !


Lorenzo rayonne, il me prend par la main, et main dans la main on part à la découverte ce monde enchanteur…

Le port se situe dans un petit bourg aux maisons de pêcheurs près des quais, et aux maisons de maître dans le vieux quartier du centre. Une forteresse vénitienne soigneusement restaurée surplombe le tout. J’y ai repéré la présence impressionnante de canons anti-aériens neufs, ici aussi ils ont dû se défendre contre les dirigeables pirates. Le vieux quartier est de style italien, il date de l’occupation vénitienne. Des palais au style vénitien alternent avec d’autres constructions de style Renaissance. Le style néo-classique est le plus souvent réservé aux bâtiments officiels et aux trois hôtels du lieu. Au centre du vieux quartier, il y a une magnifique place en forme de trapèze irrégulier. Elle est pavée de marbre blanc et ornée d’une splendide fontaine représentant Hélios sur son quadrige. Par moments de la fumée sort des naseaux des chevaux, grâce à un mécanisme astucieux. La sculpture est entièrement recouverte d’or. On reconnait l’hôtel de ville par ses colonnades en marbre blanc. On s’arrête sur la place pour y boire un apéritif local, j’en profite pour écrire une carte postale à babbo. Je l’avertis qu’on est bloqués sur l’île d’Hélios et qu’il ne doit pas s’inquiéter. 





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