16.64. Le Lord égaré

Début de l'histoire...


garçon nu, éphèbe nu, jeune dieu,
Yanis me fait penser à Sven...



On ne se lâche plus la main. Il me guide à l’intérieur de l’ancien hôtel, qui a gardé toutes ses décorations, son mobilier et ses tapis. C’est splendide, tout est dans le style Art Déco, y compris les luminaires. L’escalier principal est majestueux, une grand verrière le surplombe, d’immenses fresques ornent les murs. Elles représentent un monde idéal. Des couples d’amoureux, des amis par paires, des pêcheurs, des chasseurs, des cavaliers, des bergers, des nageurs évoluent entièrement nus dans un paysage arboré et maritime. Des animaux sauvages se promènent parmi eux comme aux premiers temps de l’Éden… Au premier étage on s’engage dans un couloir. Soudain un îlien vient dire quelques mots à Yanis :

- Ah, tu tombes à pic ! Peter te demande. Il se plaint que tu n’es pas venu le voir hier, je crois qu’il n’a pas trop le moral…
- D’accord, on y va. Cela nous permettra de visiter la bibliothèque et l’ascenseur…

On visite d’abord la bibliothèque de l’ancien hôtel. Elle est fermée à clé, trop d’enfants fleurs venaient se servir de livres et oubliaient de les rendre. C’étaient de trop beaux souvenirs de leurs vacances ici. La bibliothèque est splendide. Tous les livres sont reliés de cuir, et portent un soleil d’or sur leur couverture. Et les Ex-Libris sont de véritables œuvres d’art en eux-mêmes. En même temps des rayonnages entiers sont à moitié vides, il y a des toiles d’araignées, tout est poussiéreux, l’enduit du plafond s’effrite et la fresque est devenue un rébus pour archéologue.

- On n’a plus de livres en italien ou en français, tout a été volé. Heureusement les livres en grec ont été épargnés, ils étaient conservés sous armoire vitrée dans la partie la plus reculée de la bibliothèque. Je prends un livre d’aventures, Peter connait le grec et cela le distraira.

En prenant l’ascenseur Yanis me raconte l’histoire de Peter. 

- Je t’ai raconté que nos filles font très attention à quels hippies elles s’unissent : ils doivent être bruns de peau pour que leurs enfants puissent supporter notre soleil. Jamais elles ne s’uniraient à un garçon comme Peter. Peter est un jeune Lord saxon. Il est venu sur notre île avec d’autres étudiants de son pays. Il lui est tout simplement impossible de sortir au soleil sans se faire brûler. De sa part c’était folie que de venir jusqu’ici : dès le premier jour il s’est tapé un solide coup de soleil avec une fièvre intense, sa peau était toute rouge. Il a mis deux semaines avant de s’en remettre ! Maintenant il est obligé de rester toute la journée à l’auberge, et ce n’est que le soir qu’il peut rejoindre ses copains… J’ai découvert qu’en fait il est très isolé dans son groupe, personne ne vient plus le voir. La situation de fils unique n’est pas toujours très enviable, encore moins celle de Lord dans un grand château perdu dans la campagne brumeuse du nord. Il n’a pas appris à créer des liens. Autant dire qu’il s’ennuie un peu, malgré la lecture que je lui apporte. Il est incroyablement cultivé ! Il repart dans dix jours. Il connait le saxon et le grec, je ne l’ai jamais entendu s’exprimer en italien. C’est un garçon beau comme un dieu, pourtant il est d’une grande fragilité… On dirait un elfe perdu ! Je crois que j’en suis tombé un peu amoureux, pourtant je ne dois pas trop m’attacher à lui, une fois parti je ne le reverrai plus jamais ! 

Yanis me fait penser à Sven, cette même empathie, cette même tendance à voler au secours des plus faibles… Et la solitude de Peter me fait penser à celle de Lorenzo. Je n’ai pas encore vu le garçon, pourtant je sais déjà que j’ai très envie de l’aider.

- Et si pour ses prochaines grandes vacances tu nous l’envoyais au Palais ? On peut se débrouiller en grec ! Sur la colline il trouverait des oreilles attentives, on ferait attention à lui protéger la peau et à bien le nourrir…
- Oh, tu ferais cela pour moi ? Merci Circé ! Je t’adore ! Cela me rassurerait tellement ! Je le savais que tu m’aiderais ! 

Je ris : 

- Il me semblait bien que tu ne m’amenais pas ici rien que pour me montrer l’architecture de cet hôtel ! Je te donnerai des nouvelles de ton protégé dès qu’il aura gravi la colline. On va le choyer. En attendant on va essayer d’entretenir une correspondance avec lui pour le sortir de son isolement, on s’y mettra à plusieurs. C’est toi qui es un garçon adorable et prévenant !

Yanis rougit jusqu’à la racine de ses cheveux, et reprend comme si je n’avais rien dit :

- On va entrer dans son dortoir. Autant l’hôtel a gardé sa beauté dans les communs, autant les dortoirs sont plus spartiates !

On pénètre dans une grande et longue pièce aux murs blancs. De part et d’autre d’un couloir central il y a des matelas à même le sol, au fond il y a des lits superposés. Cela sent terriblement le fauve et le patchouli, il faut d’abord s’habituer à l’odeur. Il fait très chaud malgré les fenêtres ouvertes. Une armoire métallique et une table de nuit, c’est tout ce à quoi les occupants ont droit. Les accès aux matelas sont encombrés de sacs à dos. Parfois deux ou trois matelas sont réunis. La plupart des lits sont vides, les occupants sont sortis. Pourtant sur d’autres lits on voit des hippies dormir, entièrement nus, seuls ou enlacés à deux ou trois. Deux jeunes jouent aux cartes. Des vêtements sont jetés sur le sol. Un couple fait l’amour sans se cacher. Les amoureux sont étroitement emmêlés. Soudés ils ne font pas attention à nous. De grands tissus aux motifs variés sont punaisés aux murs. Au sol il y a un plancher en bois poli par le passage de milliers de pieds nus.

Mais plus loin je remarque une chose bizarre : un garçon est allongé sur le dos, il lit malgré son état de faune. Il a un lingam proche de celui d’un âne. Une fille est accroupie au-dessus de lui, et a enfilé son lingam en elle. Cambrée, entièrement concentrée sur son propre plaisir, elle tourne le dos au garçon. Elle ne le voit pas. Les yeux dans le vague, à moitié fermés, on dirait une somnambule vivant une extase. Son bassin remonte et redescend lentement, par moments son orchidée trempée absorbe entièrement le thyrse du garçon malgré sa taille monstrueuse. Pourquoi est-ce que ce dernier couple me choque ? Yanis aussi voit la scène et son visage s’assombrit, il reprend la conversation :

- Faites l’amour, pas la guerre… Mais c’est quoi, « faire l’amour » ? Seulement revenir à l’état d’animal ? De quelle sorte d’amour ces hippies parlent-ils ? Quelle communication est-ce qu’il y a entre eux ? Nous îliens avons réinventés de nouvelles règles, et certains enfants-fleurs les ont adoptées avec enthousiasme. Ces règles parlent d’engagement, et de liens étroits entre nos corps et nos âmes. Mais d’autres vivent dans une liberté totalement débridée, ils ne croient ni aux dieux ni à l’âme... À propos de règles, tu m’enverras les vôtres ? 
- Bien sûr ! Et je te mettrai en lien avec mon père. Il rêve de recréer une nouvelle communauté, mais basée sur des règles précises. Nous aussi nous devons repeupler notre région…
- Concernant notre liberté sexuelle Peter s’est bien adapté. Pourtant je suis furieux contre ses amis : ils l’ont déniaisé en lui apprenant comment se caresser. Jusque-là rien à redire, ici c’est dans l’ordre des choses. À vingt-et-un ans il était vraiment temps que Peter perde son innocence. Mais le lendemain matin ils l’ont abandonné avec 40 de fièvre sur la plage, et c’est moi qui ai dû le récupérer ! Pour eux il n’avait été qu’un objet jetable ! 

Une fois remis de ses brûlures il s’est mis à se toucher compulsivement. Il n’arrête plus, parfois jusqu’à épuisement.

Il mérite beaucoup mieux, c’est un cœur tendre ! Je crois qu’il manque d’affection. Il doit encore apprendre que pour atteindre une extase de qualité les caresses ne se réduisent pas aux organes génitaux. Ensuite que rien ne vaut l’extase partagée dans l’Amour, peau contre peau, âmes intimement liées…

Une fois de plus je pense à Lorenzo. Et puis je fourrage dans les cheveux de Yanis, son inquiétude est palpable. Je sais ce qu’il va me demander, avant même qu’il n’ouvre la bouche.

- D’accord Yanis. Un massage. Mais c’est toi qui t’occupes de le délivrer : toute relation intime avec des étrangers au Palais nous est interdite.

- Je sais, tu m’en as parlé. Je te demande juste de le masser, je m’occupe du reste. On a le temps, le restaurant n’ouvre pas avant une heure. Reste ici, je vais chercher des essuies propres, de l’huile de massage et du gel.

Il y a deux rebords de pierre devant une fenêtre, c’est là que je m’assieds pour attendre Yanis. 
Une fille belle comme l’aurore lit un grand livre orné de fines gravures, le livre s’intitule « Alice au Pays des Merveilles ». La voir me réconcilie avec la vie. Une fois Yanis revenu on se rend à un des angles près de la fenêtre, il y a une ouverture que je n’avais pas remarquée. Si je ne l’ai pas vue, c’est qu’elle est fermée par un rideau de lin blanc sur lequel est brodé un nœud sans fin en jaune d’or. On écarte le rideau pour entrer dans une pièce éclairée par une fenêtre. Dans cette pièce il n’y a qu’un seul lit avec une grande armoire en bois, une jolie table avec un nécessaire pour écrire et même une étagère avec quelques livres. C’est un vrai lit, avec sommier, matelas et couvertures. Là se dévoile le Lord égaré, l’elfe perdu. En un éclair je comprends l’émotion que Yanis a pu ressentir en découvrant cet étudiant. Il est entièrement nu. Son corps ressemble à celui d’un jeune dieu. Il est blanc comme de l’albâtre, en même temps on devine le sang qui bat dans ses veines. Il est plus beau qu’un marbre de Paros. De rares points de beauté ajoutent un accident accentuant la perfection de sa peau. Son visage a la douceur de celui d’un ange, il est rond et triangulaire, pour se terminer en haut sur une chevelure extrêmement abondante, à peine ondulée, d’un blond vénitien couleur cuivre. Ses sourcils, ses longs cils, sa toison pubienne à l’aspect doux ont exactement la même couleur. Il a un nez très fin, sa bouche est délicate, ses lèvres rosées sont minces. Sa chevelure descend jusqu’au bas de son cou, devant elle cache presque un de ses sourcils. Ses membres sont fins mais harmonieusement musclés, il y a quelque-chose d’aristocratique et de féminin en lui. On lui donnerait plusieurs années en moins. 

Il dort, il est à l’état de faune. Son thyrse est une vraie œuvre d’art, une tige toute droite en albâtre terminée par un gland luisant de couleur rubis foncé. Le fourreau ne s’est pas entièrement rétracté, il est très fin, presque translucide. Son lingam est long, pourtant ce merveilleux bijou n’est pas très grand malgré les apparences, il n’atteint pas le nombril du jeune homme. Sa taille met en valeur des galets lisses et volumineux. 

Yanis lui caresse doucement l’épaule, pour le réveiller. Il lui parle tout doucement, avec une profonde tendresse : 
- Peter, Peter, réveille-toi ! Aujourd’hui tu as droit à un massage ! Et je t’ai apporté de la lecture ! 

Le garçon baille, s’étire, ouvre les yeux. Il a de très grands yeux, leurs iris sont bleus aigue marine, une fois aperçus je crois qu’on ne peut plus jamais les oublier. Je comprends que Yanis en soit tombé amoureux malgré son étrangeté, ou peut-être justement à cause d’elle. Je ne puis retenir mon admiration : 
- Qu’est-ce qu’il est beau ! 
- Ah, tu vois, je te l’avais bien dit ! Et regarde la finesse de ses oreilles, un vrai elfe ! 

Le garçon, pas encore bien éveillé, se laisse faire. Yanis lui écarte ses cheveux à hauteur d’oreille. Peter a de petites oreilles délicatement ouvragées, elles se terminent presque en pointes. Puis le garçon relève le buste, et cale sa tête dans le cou de Yanis en l’enlaçant : 
- Je croyais que tu ne viendrais plus ! 
- Bien sûr que je comptais venir ! Tu sais, il est impossible de t’oublier une fois qu’on t’a vu ! Tantôt Maman t’apportera à manger, comme cela tu ne devras pas sortir. Je te présente Circé, elle est experte en massages. Cela te ferait du bien…

Peter quitte son refuge et plante ses grands yeux d’aigue marine dans les miens. Je frissonne. Ce garçon n’est pas humain, il est d’une nature toute aussi autre que celle de Sven et il est presque aussi beau que lui, quoique très différent en apparence. 

- Bonjour Peter, cela t’intéresserait d’être massé ? 
- Je veux bien, je n’ai encore jamais été massé de ma vie ! 
- Alors tu vas voir, tu vas beaucoup aimer cela ! 

Il se lève, on décolle son lit du mur, on met un grand essuie sur le lit. 

- Allonge-toi sur le ventre, et ferme les yeux. Il ne te reste plus qu’à te laisser faire… On va te masser à deux, c’est Yanis qui touchera ton intimité au moment voulu, ne crains rien. 

Le garçon me fait un grand sourire : 
- C’est Yanis qui t’envoie, alors j’ai confiance en toi… 

Le massage se déroule merveilleusement bien. Plusieurs fois le garçon tremble d’émoi, c’est tout nouveau pour lui. Mon massage devient par moments caresses, j’adore son dos harmonieux et ses fesses fermes et musclées. Je ne puis cacher mon émotion, je chuchote à voix basse pour Yanis : 

- Qu’est-ce qu’il est beau ! 

Enfin il doit se retourner sur le dos. Le résultat de son émoi est visible, j’adore. Il garde ses yeux fermés, confiant. Aux moments où je lui masse l’aine, il écarte très fort les jambes, de temps en temps je dois les ramener ensemble pour pouvoir tourner autour du lit. Je lui masse longtemps le ventre, manifestement il adore. Je veux lui imprimer un souvenir impérissable, afin qu’il parte un jour en quête de la colline pour renouveler cette expérience. Je remonte à sa poitrine et fais signe à Yanis. Il prend du gel pour commencer le délicieux massage du thyrse pendant que moi je continue à masser tout doucement les pointes durcies de ses tétons. Une fois arrivé à bon port on laisse le garçon émerger. Yanis va chercher une bassine d’eau et le nettoie amoureusement. Ensuite Peter se jette dans mes bras pour un grand câlin. Et soudain il se met à parler en italien, avec un petit sourire facétieux : 

- Vous savez, je vous ai entendus ! Cela m’a fait tellement de bien, vos paroles sur moi ! 

On rit. 
- Elles sont d’autant plus franches qu’on croyait que tu ne nous comprenais pas ! 

Alors, comme un gosse il me demande craintivement : 
- Est-ce qu’un jour je pourrai venir à ta maison ? 
- Euh… ce n’est pas une maison mais un palais. Et bien sûr, j’y compte bien ! Tu y seras le bienvenu, pour aussi longtemps que tu le désireras et aussi souvent que tu le voudras ! Ce soir Yanis t’apportera un petit objet de ma part. Si tu veux tu pourras même le porter sur toi. Il te suffira de le présenter à la porte du palais pour pouvoir y entrer ! C’est un symbolon. Yanis a déjà mon adresse, il te la donnera. 

Il sourit, heureux...





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