13.2. Dépendance ou interdépendance ?

Archives 15/08/2014 

Le lien avec l’âme sœur, fusion de dépendance ou lien d’interdépendance ? 


Notre bonheur ne dépend de personne d’autre que de nous-même, c’est ce que le Bouddhisme nous enseigne. Et le Christ dit : « aimez-vous les uns les autres comme vous-même. » Autrement dit nous ne pourrons vraiment aimer l’autre que si nous avons d’abord appris à nous aimer nous-mêmes. C’est totalement vain de rechercher désespérément l’âme sœur ! Cela voudrait dire qu’on la recherche pour combler un manque. Si on a appris à s’aimer soi-même à sa juste valeur, à se chérir, si on a appris à être autonome, alors l’âme sœur peut venir tout naturellement. Mais qu’elle vienne ou pas n’a plus d’importance, on fait confiance à sa bonne étoile. Autrement dit ne nous préoccupons pas de trouver notre âme sœur, trouvons-nous nous-même. Et si nous constatons que nous ne sommes « le plus important » pour personne, que nous ne sommes « le centre » de personne, pas de panique. Apprenons à être « le centre » de nous-même. Et quoi de plus beau alors qu’une rencontre avec un être qui s’aime également et qui est prêt et ouvert à une relation d’interdépendance ? 

Trop souvent j’entends le désir de fusionner avec l’âme sœur. Ici encore, n’est-ce pas se lier à cette dernière pour combler un manque ? Et trop souvent je vois des jeunes croire avoir trouvé l’âme sœur tout simplement parce qu’ils sont tombés amoureux. 


Reprenons mon symbole des ailes...


Reprenons mon symbole des ailes, très ambivalent : et si les deux garçons cités en début de note ne pouvaient plus voler qu’unis ? Ils auraient donc fusionné car ils n’ont chacun plus qu’une aile ? Ils ne seraient plus capables de voler seuls ? Or aucune relation n’est parfaite, et même des relations avec une âme sœur connaissent des hauts et des bas. Bien sur le lien sera très difficile à briser. Les âmes sœurs ont une connexion mentale parfois semblable à celle des jumeaux. Et si la vie les sépare par moments, leurs esprits resteront toujours connectés. 

Mais la vie peut parfois les séparer durablement et de manière cruelle, et alors que feront ils avec seulement une aile ? Attendre qu’une deuxième aile leur repousse ? Celle justement de l’autonomie ? 

Une relation trop fusionnelle n’est jamais souhaitable, avec personne ! Ainsi dans la Gestalt-thérapie on apprend qu’une relation saine se vit dans la boucle intimité-retrait-intimité : il est intenable de rester constamment dans l’état d’intimité avec l’autre. Le couple qui tente cet état de fusion permanente risque à tout moment d’exploser. Les frustrations et les rancœurs risquent de s’accumuler sans possibilité d’échappatoire. 

L’état de retrait 
  • permet de digérer ce qui a été vécu de positif ensemble 
  • permet de digérer les frustrations durant le moment d’intimité 
  • permet à la frustration de l’absence de grandir, et donc 
  • permet de régénérer le désir 

C’est la frustration qui crée le désir. 


Bien sur ce désir de fusion est légitime, mais son accomplissement permanent n’est pas souhaitable. Nous ne sommes pas faits pour cette fusion, d’où les mythes concernant la séparation de l’homme en deux dans un paradis lointain. Nous trouvons ce mythe chez Platon, dans la Genèse dans la Bible, mais aussi en Inde avec Shiva l’Absolu qui se dédouble en homme et en femme pour le bonheur de l’Univers et de ses créatures. J’en ai parlé dans le cadre du thème de l’androgynie. C'est la frustration qui crée le désir...


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Shiva Uma-Mahesvara, photo © Eric Itschert


Ci-dessus : Shiva se dédoublant (Uma-Mahesvara), statue en schiste noir, Inde Orientale, Xème siècle, don du gouvernement de l’Inde (1973) au Musées royaux d’Art et d’Histoire Bruxelles, E.O. 2554. Je donnerai plus d’explications sur cette statue à une autre occasion. 


Distinguer la dépendance et l'interdépendance.



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Diagramme, © Eric Itschert


Dans l’Analyse Transactionnelle, on distingue clairement la dépendance de l’interdépendance. Imaginons une rupture entre deux êtres qui s’aiment profondément mais de manière déséquilibrée : dans une première phase ils sont ensemble mais chacun recherche la fusion avec l’autre. Pourquoi cette fusion ? Parce qu’ils sentent l’autre comme supérieur à eux. Mal assurés sur leur propre valeur, ils sont jaloux de celui/celle qu’ils aiment le plus et ils ne comprennent pas ce sentiment négatif et absurde d’envie et de jalousie (= dépendance, ma perception de moi est négative, celle de l’autre est positive). 

Ensuite il y a rupture. Alors suit une période de profonde dépression où ils se sentent plus dévalorisés que jamais, et où ils ne font plus confiance aux autres (= dépression, ma perception tant de moi que de l’autre est négative). 

Après un travail sur eux, nécessaire pour ne pas sans cesse retomber dans le même piège attachement-rupture-attachement, ils peuvent enfin accéder à l’autonomie et au détachement. Beaucoup en restent là, ils se perçoivent enfin positivement mais l’autre semble toujours négatif ou abstrait. 

Ce n’est qu’au moment où ils accordent une valeur positive autant à eux qu’aux autres qu’ils peuvent enfin entrer dans ces échanges si riches d’interdépendance... La tache bleue sur le diagramme indique une position possible d'une personne. Pour finir rajoutons que ce sentiment duel de séparation entre moi et l’autre est caractéristique de notre « Réalité Transitoire ». Comme nous percevons cette "Réalité Transitoire" à travers le prisme de notre subjectivité, on parle aussi d'"illusion". Dans la « Réalité Pure », la « Conscience Universelle », cette séparation n’existe pas. Elle est liée à notre espace-temps. 

Des souhaits. 


Je souhaite une belle et longue amitié à ces jeunes gens que j’ai rencontrés. Qu’ils entrent petit à petit dans une relation d’interdépendance où chacun découvre sa propre valeur dans les yeux de l’autre. Qu’ils soient comme deux soleils et qu’il leur pousse à chacun une deuxième aile. Que leur vol se fasse avec quatre ailes au lieu de deux : ils ressembleront ainsi à des chérubins, ils en ont déjà la beauté. Chérubin vient de l’assyrien « kéroub » ou « karibu » et signifie entre autres « celui qui communique »


À suivre: 


Symbiose et fusion dans l’Analyse Transactionnelle.




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