16.24. Le palais revivra

Début de l'histoire...


Sven


Circé me raconte alors tout ce que je dois savoir sur l'histoire proche de ma nouvelle famille:

- L'histoire de notre famille brilla toujours par son originalité. L'époque des hippies fut particulièrement bigarrée. Sous la complicité bienveillante de mes grands-parents, mon père, tout jeune, ouvrit les jardins et une aile du  palais à bien des gens du peuple superbe. C'était avant l'époque du règne de l'Oligarchie, avant la normalisation. Le palais était une étape obligée dans le tour d'Italie de certains enfants fleurs. Ici au palais c'était la fête permanente, tout le monde vivait nu et libre, sans aucune contrainte. Il y en avait qui plantaient des tentes dans les jardins du domaine, d'autres dormaient à la belle étoile, d'autres encore dans l'aile du palais qui leur était réservée. Tout le monde pratiquait l'amour libre, n'importe où, n'importe quand. Des orchestres improvisés naissaient, presque chaque soir il y avait des concerts, tout le monde chantait son bonheur. On eut quelques descentes de police. Cela ne s'était jamais produit auparavant et notre prestige y prit un coup. La première fois c'était la brigade des stupéfiants, la deuxième fois c'était la brigade de protection des mineurs. Il est évident que certains visiteurs fumaient des drogues douces, et que parmi ceux qui pratiquaient l'amour libre il y avait des mineurs. Mes grands-parents ne demandaient pas les cartes d'identités de leurs visiteurs et pour eux faire l'amour n'a jamais été considéré comme un crime. Heureusement les enfants fleurs avaient toujours une longueur d'avance sur la police. Tu as remarqué qu'au palais on voit les visiteurs arriver de loin. C'était toujours un sacré branle-bas le combat! Quand les trompes résonnaient, les provisions d'herbe étaient cachées dans des petits récipients hermétiques et plongés au fond des fontaines, les couples un peu trop jeunes étaient gentiment réveillés, séparés et envoyés à la douche. Une brigade s'occupait aussi de réveiller les amoureux du même sexe, des garçons amoureux de garçons et des filles amoureuses de filles.

Je ris en m'imaginant parfaitement la scène!

- C'est à ce moment que mon père rencontra ma mère, ils tombèrent de suite fous amoureux l'un de l'autre. Ma mère était une enfant fleur en rupture avec sa famille de Rome. Quand elle arriva au palais elle était dans un triste état. Mon père voulut de suite la prendre sous son aile. Dès que mes grands-parents réalisèrent la situation, ils téléphonèrent à ses parents pour les rassurer de la disparition de leur fille. Le tout jeune couple reçut la bénédiction des deux familles. Tu connais la suite, ma mère mourut en me donnant naissance. Lors de ses pérégrinations amoureuses, avant mon père, elle choppa une maladie vénérienne qui lui donna le nénuphar noir. Mes parents voulurent absolument avoir un enfant et ma naissance fut un miracle. Ni moi ni mon père n’attrapèrent la maladie, je me demande encore aujourd'hui si  le savoir de ma grand-mère n'y était pas pour quelque-chose. La mort de ma mère fut un choc terrible pour toute ma famille. Pourtant ils continuèrent à s'étourdir dans les fêtes.

- On pouvait croire à un monde où tout était permis, et pourtant c'était loin d'être le cas. Mes grands-parents, alertés par la maladie de ma mère, avaient vite compris les faiblesses des enfants fleurs. Ils avaient commis quelques jeunes à la surveillance des autres. Les drogues dures étaient interdites, ceux qui les amenaient bannis. Les fugueurs étaient aussitôt remis en contact avec leurs parents pour rassurer ces derniers, on négociait un arrangement acceptable par les deux parties. Un médecin venait deux fois par semaine pour soigner et guérir tous ceux qui étaient malades, et il y en avait! Mes grands-parents reçurent plein de courrier de parents reconnaissants. Ces derniers préféraient savoir leur fils ou leur fille dans un endroit où ils seraient en sécurité plutôt que sur des routes hasardeuses. Certains se mirent à payer des pensions à mes grands-parents, le tout se faisant dans la discrétion la plus absolue: leurs enfants révoltés ignoraient tout. Le palais fut considéré dans toute l'Italie comme un havre de paix et de sécurité. Très vite les descentes de police suscitèrent une indignation générale, quelques grandes familles dont un des membres avait été sauvé par le palais s’arrangèrent pour faire cesser les descentes. Tu n'imagines pas à quel point j'admire mes grands-parents! Bien sûr ils voulaient d'abord protéger leur fils unique, mais ils ont répandu le bien autour d'eux. Ils ont sauvé des tas de jeunes, ils ont fait pencher leur destin parfois chaotique vers de nouvelles directions. Ils ont fait chanter le nom du palais dans toute sa beauté: le palais des Salvati (1). Ils étaient vraiment magnifiques, ils étaient mes héros! Ainsi quand ma grand-mère voulut m'initier à la magie j'acceptai de suite, inconditionnellement. Je lui vouais un véritable culte. Elle insista pour qu'à mon tour je veille à la transmission de nos pouvoirs. Sa magie fit des miracles parmi les éclopés de la vie qui montaient au palais pour y trouver refuge, même si elle ne parvint pas à guérir ma mère. 

- Petit à petit le flot des enfants fleurs finit par se tarir. La société se normalisait. Parmi les quatre derniers enfants fleurs qui cherchèrent refuge au palais, il y eut la maman de Morgane. Danskoise d'origine, elle venait de Guelbie d'où sa mère l'avait rejetée: elle avait seulement seize ans et elle était enceinte de Morgane. Elle était rayonnante de beauté et de bonne santé. Mon père, remis de son veuvage, en tomba immédiatement éperdument amoureux et ils se marièrent avant que la grossesse de ma belle-mère ne soit trop visible. De suite je me suis bien entendue avec elle. Tu ne peux pas imaginer comme j'étais heureuse quand Morgane est née: j'avais enfin une petite sœur!

Je l’interromps:
- Et qu'est-il advenu des trois autres?

- Un était encore lycéen, les deux autres étudiants. Tous trois étaient malades et accro aux drogues dures. Le lycéen était devenu un squelette ambulant. Pour le médecin ils étaient tous les trois perdus, ils allaient mourir dans les semaines à venir. Ma grand-mère réussit pourtant à sauver les deux étudiants, et à les sevrer entièrement à coup de plantes, d'hypnose et de magie. Une fois guéris on les renvoya dans leur famille et ils reprirent leurs études. Mais le cas du lycéen fut beaucoup plus douloureux, et décida mes grands-parents d'arrêter leur travail de bienfaisance. Ils devenaient âgés, et puis il y avait deux petits-enfants à éduquer, moi et Morgane. Combien de nuits ma grand-mère n'a-t-elle pas passées au bord du lit du lycéen, mis en soins palliatifs. Avec la santé du garçon qui déclinait, c'était aussi celle de ma grand-mère qui périclitait. Elle s'attacha beaucoup plus que de raison à son protégé, et elle ne se remit jamais de sa mort. Sans parents, battu à l'orphelinat parce-qu'il était attiré par les garçons, il s'enfuit en espérant rejoindre un monde dont il avait tant rêvé, un monde où les relations entre garçons n'étaient pas condamnées, un monde meilleur. Mais quand il s'enfuit il était trop tard, ce monde s'était évanoui. Les derniers enfants fleurs s'étaient évaporés comme des papillons  un soir d'été. Alors il tomba de drogue en drogue, il voulut trouver le soleil et il dégringola, sa tête fut fracassée sur les rochers une fois ses ailes perdues... On lui fit une belle tombe au cimetière du village. Un ange en marbre de Carrare veille sur lui, il porte son visage.

- Excuse-moi, Circé, je n'aurais jamais dû te poser cette question. Je suis vraiment désolé.

- Ne t'excuse pas, parfois cela fait du bien de raconter. Ensuite la vie sembla reprendre son cours d'antan, avant l'émergence du peuple superbe. Toutefois, de commun accord, nos parents et nos grands-parents instaurèrent quand-même de nouvelles règles, qui sont toujours valables aujourd'hui. Puis mes grands-parents moururent, à une semaine d'intervalle. On se retrouva à quatre dans l'immense palais, et la question de la transmission se posa à nouveau de manière cruciale. 

- Quand on te vit arriver au palais pour la première fois, tout le monde s'enticha de toi à l'instant même. Morgane, nos parents, moi, tous on se remit à faire plein de projets. Ton apparition était inespérée. Mon allusion au futur est facile à comprendre, même si elle se situe sur un autre plan: tu nous feras plein d'enfants, et grâce à l'un d'eux la transmission sera assurée... Le palais revivra!

Ensuite Circé me questionne sur tout ce qu'elle m'a appris, et je fais un parcours sans faute.

- Sven, tu es formidable! Je croyais avoir besoin de toute une journée pour te mettre au courant de ce que tu devais savoir, et il ne m'a fallu qu'une matinée! Changement de programme pour cet après-midi: visite en calèche du village de Montagna di Falchi, uniquement accompagné par tes deux pères. Ce midi c'est toi qui donnes l'ordre au majordome de préparer la calèche, à deux heures, devant le porche. Je téléphone de suite à tes pères pour les mettre au courant. Le palefrenier qui vous accompagnera connaît bien le village: c'est là qu'il est né.


Le village de Montagna di Falchi.
Illustration Eric Itschert & NightCafé.


Je me jette dans les bras de Circé, j'ai à nouveau une soif irrépressible de câlins. Je reçois des caresses de plus en plus douces. À la fin elles sont tellement délicieuses que je n'ai plus du tout envie de bouger. Il n'y a que le son de la cloche qui parvient à nous séparer: ni Circé ni moi on avait envie de rompre ce moment de tendresse magique.


Circé


Sauvée par la cloche! Ce gamin est vraiment impossible! Tantôt il se rebelle comme un chat qu'on a jeté dans l'eau glaciale, tantôt il ronronne et se laisse caresser sans sortir ses griffes. Il m'attire comme un papillon par la lumière. Un trouble délicieux m'envahit, de son dos mes mains sont descendues bien trop bas. Je suis en train de le caresser sur ses fesses, et je n'ai plus la volonté d'arrêter, elles sont trop belles, trop rondes, trop harmonieusement musclées. La cloche me réveille comme une somnambule.

Au repas Morgane vient me chuchoter, enthousiaste:
- Circé, la chambre des signes est transfigurée! Comment as-tu fait cela?
- Je ne crois pas que cela soit moi la responsable. Tout s'est transformé suite au passage de Sven! Quelle magnifique récompense pour tous nos efforts! Pourtant j'ai hésité avant de le mener là: après tout il n'est pas magicien!
- Circé, c'est l'Enfant-soleil!
- Tu as entièrement raison, heureusement que je l'ai fait! Je tremble à l'idée qu'on ait manqué cet acte!
J'ai envoyé Sven se promener avec ses pères, on en profitera pour retourner à la chambre. Morgane...
- Oui?
- Je n'ai de nouveau pas pu résister aux attraits de Sven.

Morgane sourit:
- Comme je te comprends. C'est impossible d'y résister! Mais arrête de t'en vouloir, de grâce! On en a déjà tellement discuté ensemble. S'il se laisse faire, c'est qu'il aime. S'il aime et toi aussi, vous auriez tort de vous en priver. Tu ne m'enlèves rien, et on est dans les règles du palais. Est-ce que oui ou non il doit te faire des enfants? Vous les ferez comment, si vous ne sautez pas le pas à un moment ou un autre? Caresse-le chaque fois qu'il le demande, et s'il accepte des caresses de plus en plus intimes c'est d'autant mieux. Tu crois que ta résistance vient de ce que tu deviens normalisée?

À mon tour je ris:
- J'espère bien que non!

Pourquoi ai-je toujours besoin de l'aval de Morgane avant ou après de toucher son amant de manière un peu plus intime? Une fois le repas terminé Morgane et moi on s'éclipse en douce rejoindre la chambre secrète. Cette dernière est revenue à son état normal mais le grimoire posé sur la table est toujours là. Splendide, il est intitulé: 'Chroniques', avec un sous-titre beaucoup plus petit '& Oracles'. Je ne l'ai jamais vu. Il faut dire que j'ai héritée de cette section de bibliothèque de mon arrière-grand-mère, mais il me semblait l'avoir soigneusement épluchée. Le titre me dit quelque-chose. Soudain je me rappelle: il fait partie des trois grimoires les plus recherchés, avec 'Le traité de magie panique' et  'Le traité de magie pour entrer en Féerie'. Quand j'ouvre le grimoire mon visage s'illumine de joie:

- Morgane, viens voir, c'est fantastique!

Le grimoire se présente comme une chronique des temps futurs. Mais il n'y a que les aspects positifs qui y sont abordés. Il évite ainsi la perfidie de certains oracles, qui annoncent de mauvaises choses et font en telle sorte que les hommes y croient. Ensuite ces hommes font inconsciemment tout ce qu'il faut pour que ces mauvaises choses se réalisent. Ici rien de tout cela. Le grimoire est bourré d'images superbes. Soudain j'ai un choc devant le titre d'un chapitre: 'La conjonction des trois âmes sœurs'. Morgane et moi on lit avidement le texte. Je murmure, émerveillée:

- Enfin une réponse à nos questions!

Morgane, la tête au-dessus de mes épaules, souffle:
- Oh Circé, je suis tellement heureuse!
- Morgane, tu imagines tout l'avantage que ce grimoire nous donne sur notre adversaire?

Bien sûr le grimoire ne révèle pas tout notre avenir. Mais j'apprends que Sven et moi on aura des enfants splendides, donc on en aura plus d'un! Morgane aussi en aura de magnifiques, avec Sven et avec la troisième âme sœur comme pères.
- Ma sœur adorée, cela va nous faire du boulot! Toi en particulier, il semble que tu ne vas pas t'ennuyer!
- Tu peux bien parler pour toi, grande sœur, n'oublies quand-même pas de compter en surplus tes exercices physiques avec Lorenzo. Tu as vu, les enfants l'adoreront. Mais moi j'ai l'air de m'y mettre plus tard?
- Il vaut mieux que vous viviez d'abord un peu votre vie, les trois futurs amoureux.
- J'ai quand-même difficile d'imaginer un deuxième garçon s'introduisant dans notre couple.
- Aie confiance.
- Tu imagines tous les possibles? La succession des Salvati est assurée! Les enfants que tu auras avec Sven pourront se lier avec ceux que moi j'aurai avec ce garçon! Mais... tout cela est comme une récompense, une bénédiction résultant d'autre-chose?
- En effet, regarde! Voilà pourquoi la conjonction doit s'opérer, cela va avoir un impact très important dans un monde parallèle au nôtre. Je lis, à haute voix:

' Lorsque les trois âmes sœurs se seront retrouvées, elles rassembleront la force afin de délivrer un esprit mineur, un faune. Délivrant un esprit mineur, elles délivreront un esprit majeur. Car délivrant le faune, elles délivreront un des Sept Princes des Elfes. Tous deux sont prisonniers d'un puissant démon. L'Enfant-soleil unira et sauvera. Il ne devra pas savoir. Personne ne sait...'

- Plutôt obscur comme texte... et regarde la suite, je lis:

' Celles qui ont lu ceci ne peuvent l'écrire à ceux qui n'ont pas lu. Celles qui ont vu ceci ne peuvent l'imager pour ceux qui n'ont pas vu. Celles qui ont entendu ceci ne peuvent le raconter à ceux qui n'ont pas entendu. L'entreprise ne sera menée à bon terme que si le secret est bien gardé. Car le démon est puissant, mais pas tant qu'il ne sache pas...'

- C'est trop bizarre ce texte, mais il nous donne de solides indications. Je me demande pourquoi ces phrases 'personne ne sait' et 'mais pas tant qu'il ne sache pas'. Personne ne sait quoi, et pas tant qu'il ne sache pas quoi?
- Mystère, mais je crois en tout cas que c'est associé au secret qui nous lie désormais tous les trois, ce grimoire et nous. Tu te rends compte? Il est question des légendaires Sept Princes des Elfes! J'en ai entendu parler, mais je croyais que c'était juste un ancien mythe.



palais, horus, Harpocrate, silence, secret, serment,
On fait le serment par Isis et par Horus-Harpocrate...



Morgane et moi on se jure de garder le silence sur tout ce qu'on a lu, vu et entendu. On en fait le serment par Isis la puissante, et par Horus-Harpocrate l'enfant gardien des secrets. Peu après le texte s'efface, il est remplacé par un autre chapitre qui ne nous concerne plus. C'est un peu comme sur les panneaux de chemin de fer: l'annonce de l'arrivée d'un train en élimine une autre. L'effacement du texte nous rassure: personne d'autre ne viendra le lire...



palais, horus, Harpocrate, silence, secret,
L'enfant gardien des secrets...





Une magnifique promenade


Sven


La promenade est un délice. Peu de gens ont la chance d'avoir deux pères à la fois. On visite le beau village de Montagna di Falchi de fond en comble. Il est accroché au sommet d'une montagne, fortifié, imprenable. Je suis sur un petit nuage, je me promène entre mes deux pères et je les tiens par la main. Ils rient, je crois qu'eux aussi sont heureux. Je hume l'air, je regarde tout avec intensité, ce moment fait partie de ceux que je ne veux plus jamais oublier. Je reçois un goûter digne d'un roi, et pendant que mes parents adoptifs bavardent gaiement je retourne en courant admirer une splendide fresque à l'intérieur de l'église, tout en haut du village. Au retour en calèche j'ai un coup de pompe, et je somnole. Mes parents adoptifs parlent de moi, et mon oncle ne tarit pas d'éloges et de conseils sur moi. Comment est-il possible qu'ils soient aussi préoccupés à mon sujet? Je perçois une infinie tendresse en eux. Je m'endors, j'ai juste encore le temps d'entendre:

- C'est un garçon ivre de liberté, il est très sauvage. Il te faudra beaucoup de temps pour l'apprivoiser. Ne le brusque jamais, alors il se cabre. Quand il est désarçonné, il secoue la tête, regarde, souvent comme ceci. Sois alors particulièrement attentif et tendre avec lui, car ce sont des moments où il est très fragile...

Décidément, ils ont tous l'air d'être d'accord quand ils parlent de moi! Je rêve des caresses de Circé, et puis de choses plus érotiques encore avec Morgane. Quand je me réveille, on est sur le porche du palais et le majordome est en train de me porter. Ils n'ont pas voulu me réveiller. J'ouvre les yeux, je fais mon plus beau sourire au majordome, le remercie et lui dit qu'il peut me poser à terre. J'embrasse mes deux parents, les remercie pour la belle promenade. Après un joyeux 'à tantôt, je vais nager' je cours vers la piscine. Je sais que Morgane est là. J'ai très envie d'elle. Le foulard rouge sur la porte m'indique sa présence et j'entre, ébahi par la scène qui se présente devant moi.

Morgane et Circé sont en train de danser de joie. Elles chantent en cœur un air de Rock, tout en dansant sur la musique improvisée. Elles sont nues, ce qui donne à la scène un côté surréaliste. Lorenzo, allongé sur un matelas, rit de bon cœur. Il me fait signe qu'elles sont folles, puis me lance:

- Elles sont arrivées depuis pas longtemps, je ne sais pas ce qu'elles ont avalées! Hé les filles, vous êtes sûres que tout va bien? On s'inquiète pour vous!

Les filles se retournent, Morgane remarque ma présence et puis regarde Circé, en lui faisant un clin d’œil. Circé répond:

- Attendez les garçons, on va vous faire votre fête! On verra si vous serez toujours aussi vaillants au dîner!

Ensuite Circé se rue sur Lorenzo, qui n'a pas le temps de se relever, et ils se battent et se chatouillent en riant. Leur combat devient de plus en plus langoureux. Morgane vient vers moi, je me demande ce qui s'est passé car elle semble terriblement émue.

- Oh mon Sven adoré, tu es vraiment irremplaçable! Mon petit soleil, tu sais que tu m'as beaucoup trop manqué aujourd'hui? Je t'aime, je t'aime tellement... Enlève vite tes vêtements, je veux te sentir nu contre moi.

J'enlève mes vêtements et je viens me coller contre Morgane. On en profite qu'on est debout pour se caresser où on veut. Ensuite Morgane me prend par la main on s'allonge de l'autre côté de la piscine.

- J'ai envie de toi!
- Moi aussi! J'ai rêvé de toi en revenant du village, je me suis endormi dans la calèche.
- J'ai envie de toi tout de suite!
- Ici? Tu ne veux pas qu'on monte au palais? On y sera plus tranquilles.
- Non, ici, maintenant! Je ne peux plus attendre, j'y pense depuis ce matin! Ne bouge plus, laisse-toi faire.
Je ris:
- Hé, c'est à mon tour de commencer, tu triches!
- S'il te plaît, mon Sven adoré que j'aime tant?
- Bon, d'accord, mais alors j'aurai deux tours d'avance après!

Ce soir je crains que je n'aie pas le temps de nager avant la tombée de la nuit...

En remontant les escaliers vers le palais, Circé me précise:
- Ah oui, Julia a préparé soigneusement ta nouvelle chambre. Elle y a passé toute l'après-midi, tout a été transféré. Je trouve que tu n'as pas assez de vêtements d'hiver. On ne doit pas oublier d'en acheter à la rentrée.

Morgane intervient et gémit:
- Circé, tu es cruelle! Ne parles pas de rentrée! Comment vais-je faire sans mon ange?

On monte l'escalier vers nos chambres. Je suis heureux d'être désormais si proche de Morgane. Elle me chuchote, redevenue radieuse:

- Tu as une servante maintenant. Tu verras, elle est fantastique.

Quand je rentre dans ma chambre je vois que Julia a tout allumé. Les vêtements que je dois mettre ce soir sont soigneusement pliés sur une table près du grand lit, mes souliers sont parfaitement cirés. Mon lit est ouvert d'une manière très décorative. Sur les oreillers il y a une fleur. J'en prends une, elle sent fort bon. Sur le lit est déposé le livre que je lisais, ouvert à la bonne page, et à côté un magnifique bol avec une orange qui vient d'être soigneusement épluchée, toute prête à être mangée. Julia a rangé mes affaires de telle manière que je ne sois pas dépaysé, elle a respecté mon ordre particulier. La penderie sent bon la lavande. Il y a un petit frigo près du scriban, et dans la chambre un verre avec une bouteille d'eau sur la tablette près de mon lit. L'eau est plate et tempérée, comme je l'aime. Je passe beaucoup de temps à humer l'orange avant de la manger. On frappe timidement à la porte, Julia apparaît:

- Jeune maître, avez-vous besoin de quelque-chose?

Les lèvres brillantes du jus de l'orange je lui réponds:
- Non, merci Julia. Vous avez bien travaillé, j'apprécie beaucoup votre ordre. Je suis très heureux que vous soyez à mon service. Cette orange est délicieuse!
- Elle vient de vos jardins, jeune maître...

Julia rougit jusqu'aux oreilles de plaisir et quitte la pièce. Quand je reviens tard le soir, après avoir mangé et nagé, je me roule avec délices dans le grand lit. Ce soir je suis très fatigué, je crois que je dormirai seul. Mais la nuit je me réveille, Morgane m'a rejoint et m'enlace en dormant. Je me dis que c'est bien comme cela...



(1) Traduit littéralement de l'Italien: 'le palais des sauvés'.









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