16.43. Une fête improvisée
Début de l'histoire...
Alors je vais chercher Fabio, je lui tiens la main et c'est
ainsi qu'on se rend dans la grande salle. Tous se lèvent. J'amène Fabio jusque
devant père, et ce dernier prend la parole:
- C’est hors de question ! Tu tombes de fatigue. Encore
un bisou papillon dans le cou et puis tu dors !
Je suis Iacchos l’insaisissable. Photo © Eric Itschert |
Avant d'entrer dans la salle à
manger, je donne des ordres à Julia pour qu'elle déménage mes affaires et
celles de Fabio dans ma chambre et qu'elle prévoie une pomme supplémentaire sur
mon lit. Je vais aux sanitaires du rez pour soulager un besoin urgent. Les
couloirs sont peu éclairés. Au retour je rencontre le majordome qui me demande
poliment si je veux bien encore attendre une dizaine de minutes avant d'aller
dîner: le repas se tiendra dans la grande salle à manger. Je me rends dans le
hall au pied du grand escalier, il y a là des fauteuils confortables. Soudain,
en cours de route à travers un couloir particulièrement sombre, j'entends une
voix joyeuse et chantante. C'est en Grec archaïque qu'elle chuchote à mes
oreilles:
- Je suis Iacchos
l'insaisissable. Je suis fils de Dionysos. Je suis dans le pin et chacun de ses
fruits. Je suis dans le doux vin que l'homme boit. Je suis le dieu de la terre
et de la végétation. J'habite chaque pierre et chaque bois de ce palais. Je
fais connaître ou disparaître le tracé des chemins. Je suis le bel éphèbe
couronné de myrte. Je fais chanter l'amour, j'attise les désirs. Sans toi par ici
tout ne serait plus que cendres. Je sais, car je connais tous les possibles du temps.
Je sais, car je suis là depuis l'éternité. C'est toi qui as pris la tête du
combat de l'eau contre le feu. C’est toi qui prendras la tête du combat pour
libérer le Prince des elfes. Sur ces terres sauvées par toi ne crains plus
jamais rien, car tous on te protègera. Ces terres sont l'île où nous vivons. Un
jour on se montrera à toi. Encore tu sauveras, encore tu aimeras, encore tu
protègeras. Tu hésites quant à la réalité de ma voix, jeune adolescent? Par ce
baiser je t'enlève tes derniers doutes…
C'est étonnant, je comprends cette merveilleuse langue que
je ne connais pourtant pas. Soudain je sens mêlés et séparés des extraordinaires
parfums de forêt, tantôt sous la pluie de minuit en plein hiver, tantôt sous la
chaleur de midi en plein été. C’est comme si l’univers entier se redéployait en
des dimensions nouvelles; je sens un frôlement sur ma joue, puis un baiser
infiniment doux; je sens l'odeur du raisin écrasé, elle aboutit à une fragrance
de vin délicatement fruitée et épicée sur ma langue et dans ma bouche avant de
disparaître avec la voix… Est-ce le palais lui-même qui est enchanté? Ces
terres ont-elles vraiment besoin de la magie de Circé pour être ensorcelées? N'ont-elles
pas toujours été ainsi, bien avant l’arrivée des Salvati? Je repousse ces
questions à plus tard…
* * *
Quand j'entre dans la salle à manger je vois un repas de
fête qui nous attend. Père a tout organisé. Je cours me blottir dans ses bras.
Je lui murmure:
- Concernant Fabio, c'est oui, oui et encore oui! Oh babbo,
je te remercie infiniment! Babbo, lui aussi je l’aime, à la folie ! Je
suis tellement heureux !
Père rit, puis embraye:
- Tu devras aussi remercier mère, Circé, Lorenzo, et surtout
Morgane! C'est une décision commune, préparée depuis cet été…
- Babbo, je t'adore!
Père est ému.
- Pour son admission dans la communauté on va improviser
sans plus attendre, rien ne vaut l'élan du cœur.
- Il n'est pas encore là?
- Non, j'ai demandé à Cesare de le retenir encore un peu.
Pour qu'il y ait un peu plus de convives à table ce soir, j'ai exceptionnellement
invité les seconds de Cesare à manger avec nous. L’idée vient de lui. L’incendie
nous a isolés du reste du monde, et chacun doit encore s’en remettre.
- Babbo, justement, à propos de Cesare…
- Dis-moi, mon ange ?
Je continue notre conversation en latin, pour que les
seconds ne puissent pas nous comprendre.
- Je profite de ce qu’il n’est pas encore là pour t’en
parler. Lui et ses seconds m’ont fait allégeance tantôt dans mon bureau. Il est
très possible que Cesare en dise un mot ce soir, ce n’est pas un hasard s’il
t’a proposé d’inviter ses seconds à notre table.
- Alors ils ne sont plus sous l’emprise de la magie de
Circé ?
- Non babbo. J’aime profondément Circé, mais je ne crois pas
que son pouvoir soit toujours très juste ni équitable. Il y a une ombre qui
grandit en elle. Il est temps qu’elle se mette à partager son pouvoir, et
d’abord pour sa propre sauvegarde.
- Tu es l’Enfant-soleil, il n’y a plus aucun doute à ce
sujet. Même les enchantements de Circé tu parviens à les dénouer. Elle ne t’en
voudra pas, heureusement elle t’aime beaucoup trop pour cela. Ces derniers
jours il y a un paradoxe qui me rend songeur : le zèle que nous employons
à te protéger, et notre protection effective exercée par toi. Parfois je me
demande si tu n’es pas réellement un Ange descendu sur terre pour nous garder
du mal. Sans toi tout aurait brûlé y compris le palais, l’ancien régisseur me
l’a encore confirmé ce matin. Il a parlé avec les plus anciens de la région. Ta
présence est essentielle, et il n’est en effet pas bon que le pouvoir ait été
concentré en une seule main. Morgane et toi vous rétablissez un équilibre rompu
à la mort de grand-mère : Circé et elle étaient toutes deux magiciennes.
Ensuite Circé est restée l’unique. Vivement qu’elle ait des enfants. Le pouvoir
de Morgane est lumineux, il grandit à l’aune de l’amour qu’elle te porte, il a
désormais dépassé celui de Circé. Quant à ton pouvoir à toi, il est d’autant
plus désarçonnant que nous n’en connaissons pas encore la véritable nature…
- Babbo, quel est le statut des seconds de Cesare ?
- Pas très enviable. Dans les factions ils n’ont la plupart
du temps pas de réel statut, ils sont utilisés comme des mercenaires. Cesare
pourra toujours retomber sur ses pattes, grâce à sa précieuse formation dans
l’école d’art. Mais eux…
- Tu m’as dit que tu pensais agrandir les effectifs de la
garde du palais ?
- Oui, je crains que cela ne devienne nécessaire.
- Je ne suis pas certain de cela, babbo. D’autres forces
protègent le palais et les terres environnantes, elles sont très anciennes,
elles sont plus archaïques encore que la fondation de cette colline par les Étrusques.
Soudain à ma grande stupéfaction je reprends en grec
archaïque :
- Elles sont autrement
plus puissantes que n’importe quelle magie humaine.
Mon père comprend cette langue, il est ébahi :
- Depuis quand tu parles cette langue ? Très peu la
connaissent !
Je continue en latin :
- Je ne sais pas, babbo. Tantôt il s’est passé
quelque-chose, mais je ne sais pas quoi. C’est un mystère lié à cette colline.
Mais j’ai l’intuition que le palais n’a pas besoin d’une garde plus étendue,
alors que je ne connais même pas ses effectifs. Si on doit assurer une
protection supplémentaire, c’est celle des habitants des autres domaines.
- J’arrive à peine à le croire ! L’Enfant-soleil
connaît le grec archaïque ! Nos individualités humaines sont découpées par
nos sens, et cela dans la continuité de la nature. Mais derrière il y a un
autre monde, immense, dans lequel des entités particulières semblent se relier
dans une inconcevable vie psychique collective. Tu as l’incroyable privilège
d’être en lien avec ce monde. Pourtant, concernant la garde du palais, tu
permets qu’exceptionnellement j’en discute d’abord avec Circé ? Comme il
s’agit de ta propre protection, crois-tu que tu peux être suffisamment objectif ?
Ta vie nous est trop précieuse, s’il devait t’arriver quelque-chose cela aurait
des conséquences incalculables !
- Je m’en remets à ta sagesse, babbo. C’est toi qui décide.
- Sven, je veux que ta voix ait désormais autant
d’importance que la mienne.
- Non babbo, je suis trop jeune, je n’ai ni tes connaissances
ni ton expérience. Je me sens si fragile. Je pleure pour un rien, et je suis
sans cesse en quête de tendresse. Et depuis que j’ai découvert le sexe il y a
des moments où je ne pense plus qu’à ça ! Quel pâle Enfant-soleil je fais,
quelle piètre voix qu’est la mienne ! Babbo, j’ai honte. Tantôt j’ai fondu
en larmes devant Cesare et comme si ce n’était pas suffisant ensuite devant
Fabio ! Oh, j’admire tellement leur force et leur égalité de caractère !
Des fois je ne comprends même pas pourquoi ils me respectent autant ! Moi
je ne suis qu’un adolescent trop frêle et trop sensible. Alors permets-moi
juste de te conseiller, je ne veux rien de plus.
Soudain je me rends compte que mes dernières paroles ont mis
babbo en colère. Ses yeux sont sévères, je l’ai rarement vu comme cela. D’une
voix indignée il reprend :
- Sven ! Sven, tu n’as pas le droit de te dévaloriser
ainsi ! Comment peux-tu te comparer toi un adolescent avec des jeunes
hommes plus âgés que toi ? Oui tes sens sont exacerbés, oui tu es
hypersensible. C’est justement en raison de ton potentiel émotionnel et créatif
que tout le monde vient admirer tes fresques. Oui tu es mince et gracile, mais
il émane de toi une incroyable force intérieure. Oui tu es en pleine croissance
et cet été tu as découvert toute une série de choses qui t’ont désarçonné, comme
cela advient à tous les adolescents. Te dévaloriser c’est nous trahir !
Babbo devine soudain mon désarroi devant une telle colère,
je rejette plusieurs fois une mèche imaginaire en arrière. Sa voix devient plus
douce et ses yeux plus tendres.
- Oui il y a encore de la fragilité en toi. C’est pour cela
que tu dois être protégé et accompagné. Mais tu as une intuition à nulle autre
pareille, et c’est ton intuition qui nous a sauvés, l’as-tu déjà oublié ?
Mon Dieu, veux-tu encore une raison supplémentaire pour laquelle Cesare et
Fabio te respectent autant ? Tu es incroyablement beau et comme tous les
bons Florentins ils vénèrent la beauté. Rien déjà que pour cette seule raison,
la beauté que la nature t’a donnée, ils t’adorent. Pour nous la beauté est
sacrée, c’est un don des dieux. À toi de l’utiliser à bon escient. Tu veux bien
mettre tout cela dans ta caboche de petit âne têtu ?
Babbo ébouriffe ma tignasse blonde en signe de paix, et me
fait un grand sourire pour me rassurer.
- Sven, ce que j’ai dit est dit, je ne veux plus qu’on
revienne là-dessus. Mais pourquoi me parles-tu de la garde du palais ?
- Babbo, pourrait-on donner aux seconds de Cesare le même
statut qu’un garde du palais ? Après tout ils me gardent moi ?
- Ils le méritent ?
- Ils le méritent.
- Alors c’est une excellente idée. Au plus ils te seront
reconnaissants, au mieux ils te protègeront.
- Est-ce réalisable financièrement ?
Père rit :
- Bien sûr mon ange, avec quoi tu viens ? Il y a un
vrai petit écureuil en toi, on voit que tu as toujours dû vivre
frugalement ! Si on augmentait certains de nos produits ne fut-ce que d’un
millième de Florin on aurait déjà beaucoup trop pour entretenir une garde cent
fois plus nombreuse ! Tu n’as vraiment aucune notion de notre fortune, cela
ne semble pas t’intéresser et cela te rend d’autant plus touchant ! Tu
leur annonces la nouvelle ?
- Non babbo, je crois qu’elle doit venir de toi.
- D’accord mon ange, mais quitte cet air tracassé. Ne t’en
fais plus pour tes nouveaux protégés, je prends les choses pratiques en main. Va
remercier mère pour l’acceptation de Fabio dans notre communauté…
Je reprends en italien :
- J’ai un babbo trop génial ! Merci babbo !
Je cours ensuite faire un grand câlin à mère pour la
remercier, elle rit et murmure:
- Mon ange, je crois que Fabio et toi vous l'avez bien
mérité! C'est juste dommage que Morgane et Circé soient absentes…
Elle m’étreint par la taille, j’ai retrouvé toute ma
confiance en la vie, je me laisse faire avec volupté.
- Tu as une résilience incroyable ma parole ! Tu es redevenu
aussi souple qu’une liane !
Je lui glisse dans l’oreille :
- Je crois que cette fois c’est Fabio qui y est pour
quelque-chose.
- Il est l’ami le plus merveilleux et le plus sûr que tu
puisses avoir. Il est très amoureux de toi, cela se voit comme le nez au milieu
du visage. Ne le laisse plus languir trop longtemps : tu connais les
règles du palais. Le sexe est une des plus belles manières de dire à quelqu’un
qu’on l’aime. Tu as la bénédiction de Morgane, elle voit Fabio comme l’amant
complémentaire idéal. Il a une bonne influence sur toi, et tu es son
dieu ! Fie-toi à notre intuition féminine.
Je rougis, troublé :
- Mère, je te promets que j’appliquerai les règles, mais ne
brûlons pas les étapes. Cette nuit il dormira avec moi, il m’apaise tellement !
Pour le reste on écoutera notre cœur.
Mère sourit :
- Va fils, va le chercher maintenant…
* * *
Les tables ont été placées en fer à cheval. La table du fond
est occupée par père, avec mère à sa gauche et une place vide à sa droite.
Cette place sera pour Fabio. À la branche droite du U je siègerai en premier,
puis Mario. À gauche il y aura Cesare puis Gianni. Je sors demander à Fabio
d'attendre encore un moment, je fais entrer Cesare. Tous s'asseyent. Les tables
sont très impressionnantes, car en dehors de la vaisselle elles sont chargées de
chandeliers, de vases remplis de fleurs, d'assiettes bondées de fruits secs et
de grandes coupes garnies de raisin. La salle n’est éclairée que par des
bougies, de cette lumière émane une chaleur vive et joyeuse.
- Fabio, tu nous as fait l'honneur d'accepter de rejoindre la
communauté du palais. Cela n'entache en rien tous les devoirs que tu as envers
ta propre famille, elle restera toujours prioritaire sur nous. Par cette petite
fête on désire te souhaiter la bienvenue…
Père fait asseoir Fabio à côté de lui. C'est le majordome en
personne qui nous sert le champagne pour accompagner les entrées. Une fois le
champagne servi, père se lève pour le premier toast:
- À mon fils bien-aimé, dont la présence attentive a
galvanisé tous les combattants du feu! Sa contribution nous a évité un
désastre…
On boit tous sauf moi, qui dois rester assis. Mon père
reprend après un temps:
- À Fabio, qui a sauvé la vie de mon fils durant l'incendie.
Fabio, jamais on ne pourra assez t'exprimer notre reconnaissance. Désormais tu
es des nôtres, on te soutiendra en tout ce que tu feras, inconditionnellement.
Fabio est tout rouge de confusion, j'adore. C’est à son tour
de rester assis. Je reste prudent en ne buvant que la moitié de mon verre. Enfin
c'est à moi de porter ce que je crois être le dernier toast.
- À babbo et à mère, à Cesare et à ses seconds, à leur
présence bienveillante et protectrice, à leur dévouement sans faille!
Mais ensuite Cesare lève timidement la main. Je suis étonné,
au palais Cesare reste toujours extrêmement discret. Je vois qu’il a hésité
avant de lever la main. Père lui donne la parole avec un grand sourire, pour
l’encourager à parler. Cesare est particulièrement grave.
- Moi aussi je voudrais lever un toast à la santé de Fabio.
Cesare se tait un instant, il fait un bref signe à ses
seconds et Mario et Gianni se lèvent à leur tour. Cesare reprend :
- Parfois les choses sont plus complexes qu’on ne le pense.
Fabio, en sauvant la vie du Lionceau, tu as aussi sauvé la nôtre, à mes seconds
et à moi.
Après c’est comme si Cesare s’adressait directement à babbo,
car il le regarde droit dans les yeux en parlant. Son ton monte légèrement,
c’est presque celui du défi.
- Fabio, on te doit la vie, et aussi, indirectement, notre
liberté ! Sven resté vivant nous a libérés de nos serments à Circé,
désormais nous n’obéissons plus qu’à lui. Tantôt nous lui avons fait serment
d’allégeance…
Cesare se tourne de nouveau du coté de Fabio.
- Sven m’a demandé de te protéger autant que lui. Désormais,
plus que jamais, tu pourras compter sur nous ! Nous levons ce toast à ta santé,
que ta vie puisse compter autant de beaux jours que celle de Sven et que vous
puissiez encore longtemps peindre et cheminer ensemble !
Fabio me regarde inquiet, je lui souris heureux et aussitôt
il répercute mon sourire à Cesare. C’est fou la complicité qu’il y a entre nous
trois, je suis aux anges. Ensuite je regarde vers babbo, je sais qu’il aura la
bonne réaction envers Cesare et son ton de défi, j’ai entière confiance en lui.
Cesare a souffert, ce n’est pas lui-même qu’il veut protéger mais ses seconds
et c’est tout à son honneur.
Une fois la santé bue, babbo reprend la parole et
s’adresse à Cesare avec des mots de paix et de tendresse :
- Cesare, tu as raison d’évoquer cet usage terrible des
factions qui est de tuer tout être qui faillit à sa mission. C’est un usage
barbare et j’espère qu’un temps viendra où il pourra être aboli. En attendant, ayant
fait allégeance à Sven c’est toi et tes seconds que tu protèges. Toi et tes
seconds vous ferez partie du palais, autrement que Fabio, puisque tu ne désires
pas entrer dans la communauté. Mais vous serez considérés comme faisant partie
du personnel le plus fidèle de la villa, avec exactement les mêmes privilèges
que ceux de la garde du palais. Et ceci prend cours dès aujourd’hui.
Cesare ne s’attendait pas à cela, et murmure ému :
- Merci au père de celui que je sers, en mon nom et en celui
de mes seconds.
Moi je fais mon plus beau sourire à babbo, le plus charmeur,
celui où je penche légèrement la tête sur le côté. Il le voit et me fait un
clin d’œil en riant.
Après les toasts le repas prend une tournure moins sérieuse.
Il y a plusieurs services. On savoure, en cuisine ils se sont surpassés! Cesare
devenu tout détendu nous raconte plein d'anecdotes de Florence, il a un sens de
l'humour désopilant. Je suis tellement heureux de le voir revivre! Tous on a
retrouvé l'appétit, Cesare et mère sourient en me voyant me pourlécher les
babines devant certains mets spécialement préparés à mon intention, Fabio rit
franchement. Quel moment de bonheur! Plusieurs vins sont servis, moi je ne bois
que de l'eau, Fabio me surveille gentiment. On a convenu que je pourrais boire
tantôt de mon vin préféré, un vin blanc doux et très fruité avec une nuance de
fruit rouge.
Au dessert je reprends la parole, comme je l'avais promis ce midi.
Je suis ému.
- Parfois il m'est impossible de dire les choses, car elles
dépassent tous les mots que je pourrais utiliser. Alors je ne les dirai pas.
Heureusement je sais que nous sommes tellement proches les uns des autres que
les mots ne sont plus nécessaires. Je vous avais promis de raconter ce que nous
avons vécu au cours de l'incendie. Heureusement Cesare et Fabio m’ont
court-circuité. Ils se sont si bien chargés de cette tâche délicate que je n'ai
sans doute plus rien à y ajouter.
Tout le monde se met à rire.
- Eh oui, Cesare et Fabio, je vous dois une fière chandelle!
Grâce à vous j'ai pu échapper aux savonnées de babbo et de mère! Bien sûr je
suis ouvert à toute question ou demande d’éclaircissement.
Mon cœur bat la chamade, j’espère de toutes mes forces que
personne ne me posera de questions. Je n’ai pas envie de parler de cette
épisode, c’est encore trop douloureux pour moi. Heureusement ils ont la sagesse
de me laisser tranquille. Père sourit, il voit que je lorgne le dessert sur mon
assiette et a pitié de moi:
- Assieds-toi et mange, mon ange adoré. Pour une fois que tu
as de l'appétit!
Une soirée merveilleuse
La soirée qui suit est merveilleuse. On a allumé un grand
feu dans la cheminée du petit salon, on s'assied tous autour de l'âtre et on
déguste des cakes aux fruits confits, des fruits secs, des oranges, du chocolat
et du massepain. Père nous raconte d'anciennes légendes de la région. Il le
fait tellement bien qu'on est tous pendus à ses lèvres. Il y a juste Gianni qui
me regarde régulièrement à la dérobée. Son regard est brûlant et passionné, je
comprends enfin ce que Cesare a voulu me dire tantôt. Quand je le regarde à mon
tour, il devient cramoisi et baisse rapidement les yeux. Enfin je parviens à
accrocher son regard, je lui souris avec tendresse et je reçois un magnifique
sourire en retour. Je déguste le verre de vin promis, le majordome a rempli mon
verre et a laissé la bouteille sur un guéridon à côté de moi. J'aime sa
complicité. Je commence à bailler, et cela n'échappe pas à la vigilance de
père.
- Mon ange, on arrête les histoires aujourd'hui? Demain soir
je continue, promis!
- Babbo, juste une dernière?
- Une dernière alors!
J'aime beaucoup ce vin, il me rappelle le baiser de l'être
étrange qui m'a parlé tantôt dans le noir. Était-ce une hallucination? Plus
rien ne m'étonne dans ce palais. Je profite de ce que personne ne fait
attention à moi pour me resservir un peu de vin… J'entends un rire joyeux, je
ne sais d'où il vient, ce palais est vraiment magique.
Quand l'histoire est
terminée, père rit en me voyant:
- On dirait que le marchand de sable est passé! Au lit, mon
ange adoré! Et demain repos pour tout le monde! Exceptionnellement la table du
petit-déjeuner sera accessible jusqu'à dix heures et demie.
Je vais embrasser père et mère, je sers la main à Cesare et
à ses seconds. Cesare me fait un clin d'œil:
- Je les raccompagne, t'inquiètes. Ce soir la relève est
assurée. Sven, merci infiniment ! L’idée de notre nouveau statut vient de
toi ou je me trompe ?
- Il fallait marquer votre changement de maître. Mon joug
sera doux et agréable. Vous veillerez sur moi mais moi aussi dorénavant je
veillerai sur vous, que tu le veuilles ou non…
Je vois que Cesare est ému, même s’il essaye de ne rien
laisser paraître. Son regard devient très doux :
- Bonne nuit, fais de beaux rêves! Je crois que ce soir il
ne sera pas nécessaire de te bercer!
- Haha, toi et tes seconds non plus ! À demain !
Après avoir salué brièvement deux jeunes hommes gardant le
porche d'entrée, Cesare et ses seconds s'enfoncent dans la nuit avec un sourire
jusqu'aux oreilles. Les gardes portent un fusil. Au passage de Cesare ils ont
présenté les armes. Cet été les gardes ne portaient pas de fusils. C’est
nouveau. J’ai un léger frisson : tout change, malgré moi, malgré nous,
rien ne sera plus comme avant, nous sommes en train de perdre notre innocence…
Les caresses de Fabio
Fabio et moi on monte le grand escalier en se tenant la
main. Je l’invite à m'accompagner jusque dans ma chambre, et lui dis que Julia y
a déjà transporté ses affaires. On se lave les mains et on se brosse les dents,
je titube de fatigue. Fabio est prêt beaucoup plus vite que moi, il s’est déjà
déshabillé et a plié ses vêtements avec ordre alors que je suis encore en train
de rincer les gobelets.
- Lionceau, combien de verres de vin as-tu bu?
- Deux seulement! Et si tu m'appelais autrement quand on est
seuls tous les deux?
- Cela fait trois avec le verre de champagne, c'est un verre
de trop! Tu es un vrai coquin, tu en as profité alors que mon attention était
distraite par les belles histoires de ton père! Laisse-moi te déshabiller, tu
ne tiens plus debout! Tu es affectueux comme un chat, puis-je t’appeler chaton
quand on n’est que nous deux ? Après tout un chaton c’est aussi un félidé,
non ?
- Cette idée me plaît beaucoup, oui tu peux !
Fabio me déshabille tendrement, je reçois une caresse
furtive sur mes fesses avant qu’il ne baisse mon short. Une fois entièrement nu
Fabio caresse délicatement ma poitrine, mes côtes et mon ventre. Mon lingam
commence à grandir et à durcir.
- Sven, qu'est-ce que tu es maigre! Ce n'est pas
raisonnable, si tu faisais un effort pour mieux manger? Je me demande où tu
cases tes intestins et ton estomac! Et pourtant quel beau chaton tu fais, ce
détail ne parvient pas à te rendre moins magnifique…
Fabio parle avec enthousiasme, cela me charme au-delà de
tout. Je suis à l’état de faune maintenant, et je reçois des bisous sur ma
poitrine sans que mon lingam frémissant ne soit touché. Puis Fabio s’agenouille
devant moi, ses mains un instant posées sur mes fesses :
- Tu es trop mignon ! Ton ossature est si délicate… Même
ta taille est fine comme celle d’une fille ! Tes jambes sont tellement
longues, ta musculature est harmonieuse… C‘est incroyable comme tu es
gracieux !
Ses mains caressent ma taille pendant qu’il me donne des
baisers sur mon ventre, toujours en prenant soin de ne pas effleurer mon
lingam. Il se grise de mon odeur près de mon sexe tendu et offert à son regard.
Il me caresse le dos, ses mains descendent le long de ma colonne vertébrale, je
tremble de plaisir. Il recommence de délicats bisous sur mon ventre, mon lingam
se cabre plusieurs fois car ses bisous sont accompagnés de quelques douces
caresses sur mes fesses. Je ris et puis je m’échappe de son emprise et je me
jette sur le lit avant que notre trouble ne devienne trop envahissant. Je
commence à couper et à peler une pomme. Après avoir soigneusement rangé mes
vêtements, Fabio me rejoint sur le grand lit. Je lui tends la pomme préparée sur
une des assiettes.
- Tiens mon second!
On s'échange des sourires en mangeant. Fabio va déposer les
assiettes vides. Il revient se coucher auprès de moi. En me touchant tantôt son
corps a réagi comme le mien, et je ris, car son état ne s’est pas amélioré
depuis lors:
- Tu es en forme, tu es tellement beau comme cela!
- Mon adorable chaton, il faut qu'on reste très sages ce
soir. Je ne veux pas profiter de ton ivresse pour être trop tendre avec toi.
Cela serait une forme de viol!
- Tu es tellement gentil! Viens contre moi, j'éteins la
lumière…
Je m'endors, heureux. Fabio s'est collé en cuillère contre
moi, il a posé un bras sur mon torse. J’adore quand il m’enlace. Je me sens
enveloppé et protégé, il est plus grand et plus fort que moi. Son lingam dressé
est lové dans le sillon entre mes fesses, cela me trouble délicieusement et je
fais le souhait qu’il vienne encore souvent y trouver refuge comme dans un nid
destiné pour lui seul. Nos respirations se rythment l'une sur l'autre, une
immense sérénité me gagne petit à petit… Les derniers instants de mon éveil j’emprisonne
sa main dans la mienne. Prêt à sombrer dans les bras de Morphée j'ai pourtant un
remords : est-ce que je ne soumets pas mon second à une trop rude
épreuve ?
- Fabio, cela ne te dérange vraiment pas de dormir tout nu avec
moi?
- Quelle question! Bien sûr que non, idiot, je suis sur un
petit nuage! Si tu savais comme je me sens bien!
- Moi aussi ! Tu ne veux pas te frotter contre
moi ? Profites-en, tout nu cela doit être encore plus doux ! Tu peux,
désormais je sais que ma fleur ne risque rien.
Je devine le sourire de Fabio à travers le ton de sa
voix :
Je ris:
- Eh tu me chatouilles! Douce nuit…
- Dors bien, Sven de mon cœur…
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