16.45. La garde du palais
Début de l'histoire...
Soudain une pierre attire mon attention... Illustration © Eric Itschert |
En descendant le grand escalier Fabio crie son bonheur, il
est tout fou. Je ris, heureux.
Le petit-déjeuner nous sert à faire le point. Les lignes
téléphoniques avec Florence sont enfin rétablies. Les ouvriers ferroviaires se
sont surpassés et les voies de chemins de fer ont été réparées. Ils se sont
relayés pour travailler jour et nuit. Par contre les routes sont loin d’être restaurées,
on n’est relié au reste du monde que par une étroite route menant vers l’Ouest.
On n’a aucune nouvelle de Lorenzo et de Circé, ils auraient dû arriver tôt ce
matin.
- Cesare, tu m’as dit que ce matin tu me ferais visiter la
porterie ?
- Oui Lionceau !
- Fais-les avertir que je passerai dans une heure.
- À tes ordres capo !
Père rit :
- Vous voilà bien joyeux ce matin !
Mais aussitôt son regard se rembrunit :
- Hier soir j’ai demandé à Cesare d’ouvrir l’arsenal et de
distribuer les fusils qu’on avait aux gardes du palais. Cela ne fait jamais que
huit fusils pour douze gardes. Sven, malgré ce que tu m’as raconté hier soir je
crois que nous ne devons pas baisser notre vigilance. Circé n’est toujours pas
là pour rétablir la protection magique du domaine. Cela m’inquiète. Les
nouvelles qui viennent de l’extérieur ne sont pas très bonnes. Il y a eu des
désordres en ville. Les gens sont nerveux, ils craignent des hausses de prix
suite aux incendies. Pour couronner le tout on signale des lycaons noirs des Carpates dans la région. Je suis heureux que Cesare te mette au courant du
dispositif de défense du palais, jusqu’ici on n’avait pas voulu t’en parler
pour ne pas t’angoisser...
Je pâlis. Les lycaons noirs des Carpates sont énormes, ils
font le poids d’un tigre. Dressés, leur taille dépasse celle d’un homme adulte
et peut atteindre plus de deux mètres de haut. Ils sont d’une cruauté inouïe et
n’hésitent pas à s’attaquer à l’homme une fois la nuit tombée. Ils peuvent
faire des bonds incroyables pour sauter des obstacles. Heureusement ils ne
sortent jamais de jour, la lumière diurne les éblouit, et ils ne savent pas
grimper aux arbres.
J’essaye de garder un ton rassurant :
- Babbo, s’il y a bien un endroit où je me sens en sécurité
c’est au palais. Ne sois pas aussi inquiet. Dis, on devrait aussi demander au
curé du village de célébrer un Te Deum, demain après la messe. On doit faire
preuve de modestie en attribuant la préservation de nos domaines à la
protection de Dieu. Le peuple aime ce genre de choses. Plus que jamais il faut
le fédérer autour de nous.
- C’est prévu, mon fils bien-aimé. Tu auras une garde
rapprochée. Akira sera là avec Davide, Michele et Mirko. Ils te raccompagneront
demain soir à Florence, dans un train supplémentaire et prioritaire uniquement affrété
pour toi. Il continuera jusqu’à Florence sans s’arrêter. Hormis Cesare, Mario
et Gianni, deux gardes armés vous accompagneront. Vous mettrez votre uniforme
d’étudiant avec vos capes. Tant qu’on n’aura pas de nouvelles de Circé on doit
continuer à tout planifier comme si elle devait encore rester absente plusieurs
jours. À Florence notre faction prendra le relais pour protéger l’enceinte de
votre école. Et le weekend prochain tu n’échapperas pas au transport en wagon
blindé, il date de mon père et on a une semaine pour le remettre en état. Tant
que je ne serai pas assuré de la sûreté des routes on devra utiliser le train.
Circé avait tort de trop miser sur la voiture. Heureusement Morgane sera là.
- Babbo, ne crains rien, je sais me défendre tout
seul ! Je ne veux pas de gardes pour m’accompagner, affecte-les plutôt à
la protection du village !
- Pour le village nous bénéficierons de la Garde Civile à
partir de lundi, c’est la Province qui nous l’envoie. Nous devons absolument
lever de nouvelles recrues.
Soudain mère intervient, effrayée :
- Mon ange, tu viens d’échapper à la mort grâce à Fabio. Les
temps changent. Je t’en supplie, ne mets plus ta vie en danger ! S’il
devait t’arriver quoi que ce soit je n’y survivrais pas !
Je reste songeur. Le moment est-il si délicat ? Et si
mon intuition était fausse ? Il y a aussi un peu de colère en moi, cette
surprotection m’étouffe et me dépasse. C’est comme si j’étais redevenu un petit
enfant à qui il fallait tenir la main pour traverser la rue…
* * *
Après le petit-déjeuner Cesare vient me chercher pour la
visite de la Porterie. Ce qu’on appelle la Porterie est un ensemble d’édifices
militaires légèrement en contrebas du palais, elle est le dernier verrou de la
route d’accès à la villa. Un ingénieux système de chicane et de sas assure une
double protection de l’accès. Il y a d’abord la chicane entourée de hauts murs,
ensuite la porte en elle-même, une grosse tour basse et rectangulaire avec une
cour intérieure faisant office de sas ou de barbacane. Une lourde porte de bois
armé clôt l’édifice côté vallée, doublée d’une herse côté cour. Ensuite il y a
la cour puis une deuxième porte côté palais. D’habitude
tout est ouvert. Au-dessus des portes trône le blason des Salvati. Attenant à
la tour il y a un corps d’habitation, une écurie complémentaire à celle du
palais et l’arsenal. L’écurie est désaffectée, l’arsenal l’était aussi jusqu’il
y a peu.
Une haie d’honneur nous accueille dans la cour. Cesare prend
son rôle très au sérieux et fait présenter les armes. Ses seconds font office
de lieutenants. Ils hurlent des ordres à huit gardes. Je suis effrayé, quatre gardes
portent des fusils maintenant. Certains gardes sont encore des adolescents,
comme moi. Mais qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi une telle
protection ? Qu’est-ce qu’ils craignent ? Je ressens une impression
étrange, comme si ma préservation était vitale et représentait des enjeux majeurs
dans un autre monde, parallèle au nôtre. Est-ce un monde où je vivrais une
autre vie ? Ne sachant pas m’atteindre directement dans cet autre monde,
l’ennemi tricherait et essayerait de m’abattre ici ?
Jamais des Lycaons noirs
ne sont encore descendus aussi bas en Italie. Je finis par rejeter ces pensées,
comme absurdes. Ce dispositif a été conçu pour garder le palais et non moi. Je
ne réalise pas encore vraiment le lien qu’il y a entre moi et la colline. Et
puis si un danger devait réellement nous menacer, ces trop jeunes gardes
seraient-ils à la hauteur ? Quelle pourrait bien être leur
expérience ? Soudain une pierre attire mon attention. Elle est enchâssée
dans une paroi latérale de la cour. Elle est sculptée d’une sorte de blason. Au
centre se tient un enfant androgyne ailé et entièrement nu. Il tient une
catapulte de la main gauche et une pierre de la main droite. Au-dessus de sa
tête rayonne une étoile à huit branches. L’enfant est gardé par deux lions, un
à dextre et un à senestre. Un peu plus loin quelqu’un a griffonné
« Ishtar », et un autre graffiti représente un poisson avec un
chrisme en petit à l’intérieur. Cette pierre sculptée est comme une réponse à
mes angoisses, ces dernières fondent comme neige au soleil. Au même moment
j’entends un rire dans mes oreilles. Je me dis que nous sommes faibles et nus
comme cet enfant. Et pourtant quel que soit le Goliath qui nous attaque nous en
sortirons vainqueurs.
Je suis rappelé au présent par la voix de Fabio :
- Lionceau, tu viens ?
On entre dans le corps de logis. On commence par visiter le
dortoir, deux chambres, le réfectoire et l’arsenal. L’arsenal est quasiment
vide, j’aperçois quand-même quelques caisses de munitions dans un coin. Deux
autres chambres échappent à notre visite, la garde de nuit s’y repose. Les
conditions de vie de la garde est très spartiate.
Ils prennent des arbalètes. Image hybride, voir lexique. |
Ensuite on arrive à la salle d’armes. Il y a exercice ce
matin, pour les quatre plus jeunes. Ils prennent des arbalètes. Moi j’en prends
une aussi, et on se rend dehors sur une terrasse inférieure couverte d’un gazon
coupé à ras. Je l’avais à peine remarquée jusqu’ici. On fait du tir à la cible,
les cibles sont très éloignées. Je les laisse faire. Puis je me décide, et leur
demande de me faire une petite place. Je prends quatre traits et les tire
successivement un par cible. Je sens tous les regards dirigés sur moi.
Mario va
vérifier les cibles et revient, admiratif :
- Tous les quatre ont atteint le cœur des cibles au plus
juste !
Je reçois des applaudissements nourris. Je remarque à nouveau
le regard brûlant de Gianni, il crie son enthousiasme. Cette fois il ne baisse
plus les yeux quand je lui souris. Fabio reste la bouche ouverte, comme chaque
fois quand il est étonné :
- Mais comment as-tu fait cela ?
- J’ai fait partie d’une milice danskoise lors de l’été de
mes douze ans. C’était une milice d’élite.
Le reste de la matinée j’explique à mes nouveaux compagnons
certains trucs pour utiliser au mieux leur arbalète. Cesare est aux anges.
Enfin on sort des cibles mobiles et là encore je fais un parcours sans faute.
Quand la cloche sonne le repas du midi, Cesare bégaye presque d’émotion :
- Tu les as tous conquis, c’est incroyable ! Comment
as-tu fait ?
- Eh bien je te l’ai expliqué, non ?
- Mais tu n’avais que douze ans ?
- Sans doute que c’est comme le vélo, cela ne s’oublie pas…
* * *
L’après-midi on va d’abord à la piscine, Fabio, Cesare et
moi. À cause de ma blessure je suis obligé de rester habillé et de m’asseoir au
bord du bassin : il m’est interdit de nager. Je me console en admirant la
beauté de mes compagnons nus, mais je les envie aussi un peu : ils peuvent
nager et jouer librement comme des gosses alors que moi je suis condamné à
l’immobilité. Il faut en profiter, à partir du mois prochain la piscine sera fermée
et couverte pour tout l’hiver. L’horaire du palais change : il n’y a plus
de sieste et le repas du soir se fait plus tôt…
Enfin ils sortent de l’eau et se rincent à la douche. On
poursuit notre programme de l’après-midi : je dois faire visiter le palais
par Fabio. Cesare nous accompagne. Ce soir cela sera à son tour de nous guider :
pour cette nuit il a prévu la visite des fortifications… Je verrai le solde de
la garde du palais, ceux qui se relayent pour la nuit. Tout cela doit se faire
selon un circuit interne et discret, car désormais tant les grandes portes de
la tour inférieure que celles de la porterie sont fermées une fois le jour
tombé.
En remontant de la piscine vers le haut de la colline en
terrasses je parle d’abord de l’endroit :
- Cette colline existe depuis des temps immémoriaux. Elle
était lieu fortifié de culte et de pèlerinages. Elle a été rehaussée du temps
des Étrusques pour y construire une nouvelle fortification, ensuite plusieurs autres
forteresses s’y sont succédé. La dernière fortification a été édifiée en 1104,
en grès, elle a précédé le premier palais d’à peine 80 ans. Le tout a été
construit en style roman.
Fabio ouvre la bouche, trahissant son étonnement :
- Comment on a pu savoir tout cela ?
- Tout est lisible strate par strate, ce soir je te
montrerai les différents appareillages de pierres révélant chacun son époque.
Bien des archéologues sont venus, et on a même découvert trois tombes étrusques
richement décorées. Elles existent toujours sous l’ancienne partie du palais, leurs
fresques sont encore intactes. Malheureusement dès l’antiquité des pillards ont
tout vidé à l’intérieur des tombes, y compris les corps. On a découvert un
trésor non loin de là, enterré sur le versant ouest de la colline. Il témoigne
d’une époque encore antérieure aux Étrusques. Le raffinement des objets est
stupéfiant ; leur style est proche de celui des Grecs. Le trésor a été
déménagé dans le musée archéologique de l’Ancienne Cité, San Giannino, à part
quelques pièces remarquables restées ici dans notre propre salle aux trésors.
Certains prétendent que ces objets datent de la civilisation perdue de
l’Atlantide.
En arrivant au palais je continue mes commentaires sur un
ton très sérieux qui fait sourire Cesare :
- Un vrai guide, en te regardant faire on en oublierait presque
que tu es étudiant fresquiste !
On commence notre visite par la grande entrée, elle se situe
sur la façade est de la villa. Le porche a l’allure d’un petit temple grec, le
reste de la façade, de style Renaissance, est plus austère. De part et d’autre
de la façade principale il y a des façades légèrement en retrait qui marquent
deux ailes latérales du palais, elles sont pourvues de terrasses construites
sur des arcades. Fabio connaît déjà bien la terrasse côté sud, on s’y est
souvent prélassés, la vue sur la vallée y est époustouflante…
Je ris après la remarque de Cesare puis je continue,
imperturbable :
- Le palais tel que vous le voyez maintenant a été achevé en
1495 par l’ingénieur Giuliano da Sangallo. La tour à l'horloge a été ajoutée au
XVIIe siècle. Vu de l’extérieur la villa suit à peu près le même modèle que la Villa
Poggio à Caiano, construite sous l’autorité de Laurent de Médicis. Mais une
fois qu’on y entre on découvre qu’elle est très différente… Le palais possède
trois cours intérieures, d’abord une grande occupant l’est et le centre de la
villa, puis deux petites côté ouest… Le palais est orienté avec l’entrée
principale à l’est, sur un axe est-ouest. L’ensemble peut être inscrit dans un
grand rectangle, la façade d’entrée occupe une des largeurs du rectangle. Du
côté ouest il n’y a pas de terrasses, la falaise y est particulièrement
abrupte. C’est là qu’était perché l’ancien palais de 1184, ce qu’il en reste a
été intégré au nouveau palais. La seule route d’accès menant à la colline vient
de l’est et suit le même axe que la villa. Autrefois il y avait un accès
secondaire au palais par un chemin de mule à l’ouest, mais il a été muré et les
murailles ont été rehaussées.
On entre par une grande porte sous le porche. Ensuite on
découvre une immense cour élégante et rectangulaire bordée sur les quatre côtés
de façades Renaissance ornées de riches décorations ‘a graffito’ représentant des figures allégoriques, mythologiques,
et des signes du zodiaque. Les décorations viennent d’être restaurées.
- Trois côtés de la cour sont pourvus d’un portique aux
fines colonnes ioniques. Au fond se dresse à l’angle sud-ouest une tour
majestueuse, seul reliquat habitable de la fortification de 1104. Il faut
passer dans la petite cour datant de l’époque romane pour l’admirer dans toute
sa hauteur. Cette cour et ses façades datent du palais de 1184, les murs sont
d’une épaisseur impressionnante. C’est dans cette tour, l’ancien donjon de la
dernière forteresse, qu’est située notre salle du trésor, derrière ces deux fenêtres
aux lourds grillages. En dessous vous avez les fenêtres de la nouvelle salle
fortifiée, surnommée « la salle des
merveilles »…
Ensuite on va visiter l’autre petite cour…
- Vous voyez, cette dernière cour est du même style
Renaissance que le reste du palais : à la Renaissance on ne supportait
plus la dissymétrie, donc il fallait un pendant à la cour romane…
Une fois à l’intérieur du palais Fabio ne peut s’empêcher de
siffler d’admiration devant certaines fresques, il découvre avec émerveillement
les salles l’une après l’autre… Je l’adore, il est tellement sensible à la
beauté ! Je lui enlace la taille, je lui tiens la main, je pose mon bras
sur son épaule, j’ose même à un moment descendre ma main sur la naissance de
ses fesses, je ne peux plus arrêter de le toucher. Et puis j’adore sa main
protectrice sur mon épaule, ses deux mains enlaçant mon torse, sa tête contre
la mienne, ses bisous qui m’illuminent comme des étoiles filantes, ce moment où
il se colle derrière moi et où il m’enlace le ventre, une main indiscrète un
instant descendue sur mon bas-ventre et mon lingam qui réagit aussitôt. J’adore
sa stupeur devant les merveilles de la salle aux trésors…
* * *
Le repas du soir est joyeux, seul père et mère restent
inquiets. Ils font des efforts pour ne rien en laisser paraître. La pluie
chasse contre les carreaux. Cesare, Fabio et moi on devise gaiement sur la
rentrée des classes et le magnifique projet auquel on est occupés, les fresques
de la chapelle San Antonio. Ensuite je vais au pied du grand escalier attendre
près du téléphone : Morgane doit m’appeler. Je suis soulagé quand
j’entends la sonnerie, et je dois d’abord passer du temps à rassurer Morgane.
Elle s’est mortellement inquiétée, d’habitude elle téléphone le vendredi soir
avant le repas. On a su envoyer un messager à Florence pour lui dire de ne pas
s’en faire, nos lignes étant coupées. Mais elle confirme que suite aux
incendies il y a eu beaucoup de dégâts en Toscane, elle est mieux au courant
que nous, privés de routes potables. Elle a épluché la presse. Je lui dis que
nous avons été épargnés, j’évite de lui parler de mon sauvetage par Fabio, il
sera toujours temps de la mettre au courant les yeux dans les yeux…
- Morgane, tu me manques tellement ! Fabio a rendu un
service inestimable au palais, je te raconterai. On l’a aussitôt intégré dans
notre communauté.
- Oh, je suis tellement heureuse ! C’est une excellente
nouvelle, il le méritait bien ! J’espère que désormais tu le laisses
t’approcher de plus près ?
Je ris.
- Cette nuit on a dormi tout nu ensemble, je sais qu’il en
rêvait et moi il a le don de m’apaiser. J’en avais vraiment besoin. Mais on n’a
pas envie que les choses aillent trop vite.
- Arrêtes de le faire souffrir ! En vous exprimant
mutuellement votre tendresse vous ne faites de mal à personne ! Tu ne
m’enlèves rien. On en a déjà parlé…
- J’aimerais que Circé puisse le masser lui aussi, c’est
tellement bon et il mérite plein de douceurs !
- C’est moi qui le masserai, et tu m’aideras. J’ai enfin
réalisée qu’il est une âme-sœur. Circé ne doit pas le toucher, il nous
appartient.
- Ce qu’il a fait est tellement courageux que je ne sais
plus comment lui témoigner ma gratitude… Mais je ne désire pas en parler
maintenant. Dis-moi, as-tu des nouvelles de nos jeunes mariés ? Babbo et
mère sont si inquiets !
- Comment, tu n’es pas au courant ? On a reçu un
télégramme. Lors de leur retour de Grèce leur navire a fait naufrage sur l’île
de Zannone, en raison d’une terrible tempête. Imagine ! Ils étaient
presque arrivés ! Leur navire s’était faufilé sans encombre entre la
Sicile et la Calabre pour regagner la mer Tyrrhénienne. Ils comptaient aborder
au port de Terracine, dans les États pontificaux. Mais les courants et la
tempête en ont décidé autrement. Ils sont prisonniers de l’île de Zannone.
Ironie du sort, c’est là où s’est déplacé le culte rendu à la déesse Circé une
fois celui-ci éradiqué sur le continent du Latium par les Catholiques. Nos
mariés ne seront pas de retour avant une semaine au moins, le prochain bateau
étant prévu pour dimanche de la semaine prochaine si tout va bien. Heureusement
ils ne sont pas informés concernant l’incendie, ils sont coupés de tout. J’ai
insisté sur le fait que tout le monde allait bien au palais. Ton oncle aussi s’est
terriblement inquiété pour toi. Tiens, mon ange, je te le passe, il ne tient
plus en place ! Ensuite tu me passes babbo…
- Morgane, tu me manques horriblement, reviens-moi
vite !
- Samedi matin, encore une semaine à tenir mon ange. Je te
passe ton père. C’est un trésor de père que tu as !
J’entends un rire au téléphone. Retrouver la voix de mon oncle-père
est un baume, et je passe un quart d’heure à discuter avec lui. Ensuite j’ai
pitié de Morgane et je vais chercher babbo et mère. Une fois le téléphone
raccroché je vois qu’ils sont rassérénés. Morgane est magique quand il faut
calmer des angoisses.
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