16.46. Une escapade nocturne

Début de l'histoire...

nuit, palais toscan, pleine lune,



Je me fais une fête de notre escapade cette nuit : il a cessé de pleuvoir, les pluies suivantes ne sont pas prévues avant demain soir. Cesare donne l’ordre à ses lieutenants d’aller dormir : il reçoit une tempête de protestations, Mario et Gianni comptaient bien nous accompagner. J’aime sentir à quel point Cesare est paternel et protecteur envers eux.

- Eh bien, on se révolte ?

Cesare essaye de prendre une voix courroucée, mais il n’y parvient pas. Il n’y a qu’une seule chose qui perce à travers lui, une incroyable tendresse. Mario finit par obtempérer, mais Gianni renâcle.
- Capo, juste pour ce soir ?

Le regard de Gianni est suppliant.
- C’est hors de question, demain la journée sera longue : on rentre à Florence. Je vous veux en forme pour protéger le Lionceau. Au lit, graines d’anarchistes !

Gianni me regarde avec une lueur de regret dans ses yeux. Je lui réponds, avec une voix douce et apaisante :
- À demain, Gianni. Enchanté que tu sois du voyage.

Alors je reçois un magnifique sourire en retour. Gianni se ressaisit et s’adresse à Cesare :
- À tes ordres, capo, je regrette d’avoir discuté tes ordres.

Cesare rit :
- Je préfère avoir des lieutenants qui réfléchissent et qui discutent parfois mes ordres plutôt que des robots. Excuses acceptées, faites de très beaux rêves tous les deux.

Les seconds s’éloignent, Gianni se retourne une dernière fois pour me dévorer des yeux. Alors qu’on est hors de vue, j’attrape un fou-rire.
- Pardon, c’est nerveux. Cesare, ton second me rappelle des souvenirs de cet été, quand Circé me demandait d’aller au lit. J’avais exactement ce même air dépité.
- Je suis trop coulant avec eux…
- Cesare, si je t’apprécie autant c’est en raison de cette humanité qu’il y a en toi ! Je trouve cela merveilleux comment tu les traites !
- Lionceau, parles pour toi ! J’étais tellement heureux quand ton père nous a annoncé qu’ils auraient désormais le même statut que les gardes ! Fabio, tu dois savoir que c’est le Lionceau qui a tout manigancé !
- Ben c’est normal, malgré tout ce que tu peux penser de moi et de mon égocentrisme, je me sens désormais responsable de vous.
- Sven, tu as déjà oublié mes excuses ?
- Non, je rigolais… Je ne dirai plus une chose pareille, promis !
- Lionceau, c’est incroyable le nombre de passions violentes que tu suscites autour de toi. Ce n’est pas un reproche, je sais que tu n’y es pour rien. Mais il te serait impossible de les contenter toutes. Il y en a beaucoup trop. Je suppose que tu as remarqué pour Gianni ?
- Oui, que dois-je faire Cesare ? Je cause tellement de souffrances… Je m’en veux… Déjà j’ai tellement fait souffrir mon second…

Fabio me donne une bourrade :
- Lionceau, arrête ! Ma douleur n’était rien par rapport à mon bonheur !
- Fabio a raison. Je vous envie parfois tous les deux. Je n’ai jamais vu d’amis aussi proches.
- C’est vrai que notre amitié est aussi intense qu’elle peut l’être entre deux êtres de chair…

Fabio, touché par mes paroles, vient un instant me prendre dans ses bras comme pour en témoigner.
- Lionceau, je crois que tu dois être toi-même avec mes seconds, ne change rien dans ton attitude envers eux. Hier on a joué ensemble dans le jardin, tu leur as demandé leur nom, on a créé une familiarité qu’on ne peut plus reprendre. On était heureux, on a lâché prise, voilà tout. Je ne crois pas que ce fut une erreur. Ton habileté incroyable au tir à l’arbalète n’a rien arrangé à la passion que mes seconds te vouent. Moi-même je n’y comprends plus rien. Tu sembles tellement fragile et au moment où l’on s’y attend le moins tu développes une force surréelle, comme si cette force était puisée dans un autre univers. Il y a un mystère en toi…
- Vous vous êtes donné le mot ou quoi ?
- Tu m’interroges, je te réponds sincèrement. Gianni est amoureux de toi. Il souffrira mais en même temps cela fera de lui un de tes plus surs défenseurs ! Je me demande si…
- Dis-moi ?
- Tout le monde dans le palais est au courant de ses règles. Une fois dans le périmètre des jardins en terrasse, ne serait-il pas temps que Fabio et toi vous nous montriez sans plus vous cacher la tendresse que vous avez l’un pour l’autre ? Tout le monde y gagnerait, Gianni aussi. Il y a moyen de le faire avec beaucoup de sobriété, mais de grâce, arrêtez d’être aussi pudiques ! Et faites-vous du bien quand vous êtes seuls à vous deux. Je vous ai observés tantôt, vous en creviez d’envie ! C’est si naturel de le faire, beaucoup de garçons se soulagent entre eux. Votre plaisir est à portée de main, vous ignorez la chance que vous avez ! Moi je dois m’épuiser à courir les filles avant d’étancher ma soif !

Fabio et moi on rit. Je prends la défense de Fabio :
- Fabio n’est pas habitué à ce genre de choses, à Florence il a toujours dû cacher ses penchants. Laisse-lui le temps d’apprendre, c’est tout nouveau pour lui.

Je lui tire la langue et puis lui fait mon plus beau sourire, pour bien lui montrer que je ne lui en veux absolument pas et que ses paroles me touchent. Le regard tendre de Cesare me prouve qu’il a bien saisi le vrai message. En fait, je me rends compte que c’est à Fabio qu’il s’adresse. Il continue en le regardant :
- Ici il faut s’habituer à un autre mode de vie où les lois ordinaires de l’existence auxquelles tu es habitué depuis toujours s’abolissent d’elles-mêmes. Une fois entré dans le domaine des jardins et du palais, on franchit une frontière et nous nous trouvons dans un monde qui a ses propres lois et dans lequel tout, même ce qui pourrait te sembler impossible, peut arriver.

Fabio murmure, ravi :
- C’est un paradis sur terre !

Cesare et moi on rit, puis Cesare reprend songeur :
- Malheureusement les frontières entre ce monde et le monde extérieur n’ont jamais vraiment été étanches. C’est un paradis sans cesse menacé, un paradis qu’il faut défendre, en particulier par ces temps troublés. La colline est entourée par deux enceintes, une haute et une basse. Elles se confondent avec les murs de soutènement des terrasses. Le tout donne un aspect organique, mais en réalité le dispositif de défense est redoutable et demande très peu d’hommes pour assurer la sécurité du lieu. L’assaillant se rend vite compte que la colline est imprenable. Un nombre incalculable de coursives et de passages secrets assure la défense. Venez, la porte est à moitié cachée derrière ce massif d’arbustes fleuris. Vous la connaissez, elle mène à notre terrasse d’exercices de ce matin.

On a mis nos capes de laine. Elles protègent bien du froid, et elles sont un camouflage idéal pour la nuit. On descend un escalier, la lune est notre seul éclairage maintenant, elle est presque pleine. On arrive à la petite plaine d’exercice.

- Lionceau, depuis les grandes vacances c’est moi qui dirige la garde du palais quand tu es là. En temps normal c’est le capitaine que tu as vu tantôt, et il rend directement compte à Circé ou à ton père. Il y a une gymnastique à laquelle mes seconds et moi devrons nous accoutumer. À l’école tu es mon capo. Quand on est entre nous, même avec mes seconds, on peut nous appeler familièrement par nos prénoms et toi par ton surnom. Mais en contact avec la garde, moi et mes seconds on devra t’appeler « jeune maître ». Ne t’étonne donc pas si je t’appelle désormais ainsi devant les gardes.

Je prends un air suppliant :
- Cesare, s’il te plaît, non ?
- C’est une requête de ton père, et je crois qu’il a raison.

Je soupire :
- Bon, bon, d’accord, si vous vous liguez contre moi…
- Oh, regardez-moi cela, le pauvre petit martyre qu’on malmène ! Allez, un joli sourire, rassure-toi, entre nous on gardera notre familiarité ! On doit aller à l’autre bout de la plaine. Lionceau, tu veux bien nous lancer ce rire dont tu as le secret ? Attends que je t’attrape, garnement boudeur !

Je m’enfuis en riant et Cesare court après moi pour me chatouiller. Il parvient à me rattraper alors que je suis arrivé devant deux portes, je ne sais laquelle ouvrir. Il me chatouille et Fabio s’y met aussi. Ils sont très délicats avec moi, comme Morgane, Circé et Lorenzo ils font attention à ne pas me faire mal. On a des fou-rires. Les chatouilles de Fabio deviennent très vite des caresses furtives. À la fin Cesare se contente de m’immobiliser, permettant à Fabio de me toucher à des endroits de plus en plus sensibles. Cette fois les caresses sont plus franches, plus lentes et plus appuyées. C’est délicieux. Je dois rompre l’enchantement, je suis trop excité par cette douce exploration de tout mon corps. J’essaye de les chatouiller tous les deux en retour mais aussitôt Cesare réplique jusqu’au moment où je reste tranquille. Je dois finalement demander grâce, ils sont beaucoup trop forts pour moi. Mes deux tortionnaires me lâchent en riant. 

Fabio lit le trouble dans mes yeux, il m’embrasse aussitôt.
- Tu es trop mignon !
- Deux grands contre un petit, c’est de la triche !

Ils rient et Cesare ouvre une des deux portes.
- Suivez-moi…





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